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Opération LAMENTIN en Maurétanie 

 

 

 

 

L'opération s'est déclenchée fin septembre 1979. Le 2ème RIMa est alors en campagne de tir et manoeuvre divisionnaire au camp de la Courtine pour 3 semaines. La 1ère compagnie, de retour de son « 2ème TACAUD » en juillet, en alerte Guépard 1er échelon, est stationnée au camp de BOURG LASTIC.

Désignés pour intervenir, nous quittons la COURTINE avec la SML du Ltn DE JONG, pensant, étant de « premier rang », décoller dans les 24 heures…

Rompus au départ, les paquetages prêts, le « branle-bas traditionnel » des ordres, contre-ordres est en route… cela fait partie du jeu et nous ne nous inquiétons pas outre-mesure, tout heureux de partir vers de nouvelles aventures, dans un pays sur lequel aucun d'entre-nous n'a jamais servi.

Un problème de taille se pose alors pour les états-majors de l'époque : nous ne sommes pas équipés d'engins de combat adaptés pour combattre le « POLISARIO », ennemi désigné, très mobile, qui lui est doté de Land Rover !!!

Rapidement la décision est prise par l'EM de nous doter de matériels adéquats et de nous faire intervenir en « compagnie motorisée légère de type saharien ». Dans le même temps, la décision est prise de créer un DAO qui formera les unités mauritaniennes qui se sont « débandées » devant les REZZOUS saharouis.

L'implantation du camp de base est déterminée par 7 facteurs : proximité d'un aéroport, proximité d'un port pouvant accessible au BDC (bâtiment de débarquement de chalands), un minimum d'infra pouvant accueillir 200 à 300 personnels, une position défendable, des axes permettant à la fois d'intervenir rapidement sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, des possibilités de repli vers le port et l'aéroport et un élément indispensable en milieu désertique… l'accès à l'eau !!!

Une ancienne base OTAN construite par les américains dans les année 60 remplit tous ces facteurs et s'impose comme camp de base. Elle s'appellera la « base du LEVRIER » et est située à 8 km de l'aérodrome, 12 km du port de NOUADHIBOU et 24 km du port minéralier de CAMPSADO habité par les employés de la « MIFERMA » qui sont à majorité des français (environ 2000).

Un détachement précurseur est déployé dès le début du mois d’octobre. Il est composé de la SML qui aura pour mission d'assurer la protection d'une compagnie mixte du 6ème RG (dont les missions sont d'organiser la défense du camp et de remettre en état l'infra devant nous accueillir). La mise en place s'effectue par une opération amphibie sur le BDC « la DIVE ».

 

 

Pendant ce temps la 1ère compagnie et le DAO se mettent sur pied et préparent matériellement la mission : le Sgt LAURENCE est parti chez BRANDT avec un ingénieur d'ACMAT pour valider l'installation du mortier de 81 m/m et le tir à bord du VLRA. Il en est de même pour les colonnes de tir 12,7 m/m et les MILAN (Sch BERTHET) - "le responsable du développement des colonnes de tir 12'7 sur VLRA pour l'opération LAMANTIN était le SGT LEMAIRE" 

La compagnie est articulée en 3 sections de combat de type saharien (Ltn GUEHENNEUX, Slt BERTRAND, Adj COCO. Chacune de ces sections est constituée ainsi : un VLRA commandement, un VLRA groupe commando, un VLRA groupe 12,7 m/m et un VLRA groupe MILAN) et une section commandement, appuis et logistique (moi-même !!) articulée de la manière suivante: JEEP CDU, JEEP OFFICIER ADJOINT, VLRA TRANS, VLRA Groupe médical, VLRA ravitaillement MUN, VLRA ravitaillement VIVRES, VLRA ELI ATELIER et VLRA DEPANNAGE. Il est à noter que tous les véhicules sont équipés d'une ANF1 comme arme de bord.

Ce dispositif est programmé pour les opérations « hors BASE ». Cette configuration est intéressante par sa grande capacité de mobilité et sa puissance de feu. De plus, elle est modulable dans son emploi, avec la possibilité de regrouper les véhicules Mortier, Milan et 12,7 afin de pouvoir constituer une base d'appui FEU. Enfin, un VLRA groupe Mortier 81, un VLRA groupe MILAN, 1 VLRA Ambulance et 1 VLRA 12,7 sont affectés à la défense de la base.

La logistique de projection est impressionnante car la France ne possède aucune force pré-positionnée en Mauritanie… et la mission est prévue pour « durer dans le temps » : unités de feu (UE) pour 4 mois ; HCCA identique à la métropole pour la vie courante sur la base ; construction d'un « Ordinaire » et de chambre froides ; construction d'un dépôt de munitions, d’une soute à essence, etc..... présence d’un NTI1 et NTI 2 « optique, armement, munitions, auto ». Bref, la « totale » !!! Enfin, des personnels du matériel et de l'intendance sont détachés au sein de la commandement pour assurer ces fonctions de soutien et d'appui.

Je me retrouve donc à la tête d'une section de 64 hommes contre 42 pour les sections de combat. La mission principale de la compagnie est de contrôler la frontière entre BOULANOUAR et ZOUERATE (1500 km) et, en cas de menace précise, de protéger ou d’évacuer les ressortissants français employés à ZOUERATE, à CAMPSADO et ceux déployés en poste tous les 300 km sur la voie ferrée du train minéralier (ZOUERATE-BOULANOUAR) parallèle à la frontière. Sa seconde mission est de protéger et d'appuyer le DAO dans sa mission de formation et d'instruction des unités mauritaniennes et d'appuyer celles-ci dans leurs opérations.

Début novembre, la 1ère compagnie et le DAO après un long périple « logistique et personnels » par plusieurs trains d'ARNAGE jusqu'à TOULON, embarquent sur la DIVE pour un transit maritime vers NOUADHIBOU… transit qui s'avérera épique (bâtiment à fond plat…. les « initiés auront tout compris » !!!). En effet, dès la première nuit de traversée, nous essuyons dans le golfe du LION, une tempête avec des creux de 9 mètres qui impose un demi-tour et un retour sur TOULON car la cargaison matériel a subi des dégâts : grenouillères arrachées sur le pont, laissant les containers de munitions et les véhicules dans des positions proches du passage par dessus bord……Les personnels ne sont pas en bon état non plus, mal de mer et nausée ont rendu les « espaces vie » identiques à une fosse septique… Il faut tout nettoyer et désinfecter !!!

Deux jours de remise en condition et nous voilà repartis pour 11 jours de traversée avec les exercices traditionnels d'alerte à bord, tirs mortier, tirs canons de 30 m/m et 20 m/m, et bien entendu les réunions incessantes du Lcl FEVAI commandant l'opération et du Cne ALLEMANE commandant la compagnie.

 

 De nombreuses photos à venir

 

 

 

De mon côté, je travaille en étroite collaboration avec le Cne GROBET, officier adjoint, pour prévoir, programmer et organiser les missions d'installation qui seront conjointes aux premières « recos » sur le terrain.

Arrivés à bon port et après prise de contact avec le précurseur, la décision est prise de commencer le débarquement sur le port et d'en assurer la sécurité (personnel consigné à bord). Cela va prendre plus de 2 jours. La première nuit sera pour moi sanctionnée de 8 jours d’arrêt, pour le motif suivant : « s'esquiver du bord »…..

Dès le début de notre installation, l'objectif premier est de transformer la base en point d'appui. Cette mission, en plus de l'installation, est confiée au Cne GROBET et à moi même : le « dispositif jeté » par le précurseur et le génie est revu et amélioré, les plan de feux sont établis provisoirement (ils évolueront en permanence avec l'avancement de l'organisation du terrain)…

La SML et la majorité du DET GENIE sont rapatriés vers la France mi-décembre par une dernière rotation de la DIVE. Seule la valeur d'une section GENIE restera rattachée à la Cie pour poursuivre les travaux et appuyer celle-ci lors d'opérations sur le terrain.

Après 15 jours d'installation et d'acclimatation à cette zone rude et inhospitalière, la première mission de contrôle va s'effectuer le long de la voie ferrée pour une semaine. Le but est de signaler notre présence au « POLISARIO » et surtout de tester nos matériels en grandeur nature : autonomie en gasoil, en eau (les VLRA sont équipés de réservoirs de 250 litres d'eau potable à l'exception des VLRA mortier), manoeuvrabilité des véhicules dans le sable, sur les dunes, les barcades, etc...

Les premiers enseignements vont tomber rapidement :

- après une dizaine de crevaisons en moins de 50 km, il s'avère peu prudent de longer la voie ferrée, car le passage du train minéralier fait fondre l'acier des rails et projette des ébavures, acérées comme des lames de rasoir, qui découpent les pneus des véhicules comme des lasers ;

- le tir des missiles Milan est catastrophique : ils font soit « sol », soit montent à la verticale. Le diagnostic est simple : la chaleur dans la journée est trop forte (55°)… et le missile n'aime pas !!!

- nous allons devoir climatiser les soutes à munitions car les roquettes 89 m/m nous inquiètent aussi. Lors des opérations, les containers pour roquettes et missiles seront renforcés et capitonnés avec du polystyrène. Ce procédé limitera considérablement les incidents de tir, mais ne sera pas parfait.

Toutes ces données « remontent » bien entendu vers la métropole afin de pallier ces incidents. Le VLRA s'avérera, quant à lui, un fabuleux véhicule du désert qui, je pense, n'a jamais été égalé depuis.

Rapidement les sorties vont se succéder à un rythme effréné, mettant à mal les organismes et pour certains le moral. L'ennemi nous ne le verrons que deux fois, chacun « se jalonnant » de chaque côté de la frontière, sans engagement…

Par deux fois, nous essuierons des tirs fratricides de la part de nos « alliés », les mauritaniens : un tir mortier sans incidences matérielles et humaines, et une situation « gag » puisque étant en protection conjointe du train, l'élément de tête (mauritanien) du train à tirer sur l'élément de queue (nous !!!) - curiosité et aberration du tracé des frontières à angle droit : à l'est de CHOUM, le tunnel entrait et sortait du même coté de la montagne - ayant cru voir des balles traçantes à l'avant de celui-ci : les projections incandescentes des ébavures d'acier fondu étant responsables de cette situation « ubuesque » heureusement sans conséquences…

Il est à signaler enfin, qu'à cette époque le GPS n'existait pas et que nous utilisions le sextant et la boussole pour nous diriger dans le désert ainsi que, contractuellement, un guide d'ancienne méharée…

La mission initialement prévue pour 5 mois avec relève s'est transformée en 8 mois avec le « démontage complet » de l'opération, suite à un coup d'état qui a rendu caduque les accords du gouvernement mauritanien précédent… Situation grotesque courante en Afrique, notre pays d'accueil ne voulant plus de nous, les unités mauritaniennes se sont « retournées » contre nous et, contraintes à l'immobilité par manque de carburant, leurs AML et LAND ROVER ont campé sur leur positions « à distance » de la base du LEVRIER !!!

Pour bien leur faire comprendre que nous avions des moyens supérieurs aux leurs, nous leur avons délivré quelques « efficacités au ras des moustaches » d'éclairants et de phosphore... Suite à ces « incidents », la diplomatie a dû jouer, puisque nous avons enfin pu sortir par un couloir que nous sécurisions, méfiance oblige…

Nous avons malheureusement dû déplorer pendant cette mission : la mort accidentelle du 1ère classe LEBREC, le rapatriement d'un soldat suite à une insolation très grave ayant entraîné des séquelles invalidantes et le rapatriement du Cch MANACH grièvement blessé lors de l'accident précédemment cité.

Le « précurseur » de la 2ème compagnie (compagnie qui devait nous relever) a terminé la mission avec nous ; le reste de cette compagnie aura juste « goûté » au roulage de l'avion à ROISSY, prévenu du changement de la situation, au tout dernier moment, en bout de piste…

Le rapatriement de tout le matériel s'est effectué par la même voie maritime avec une partie du personnel, validant ainsi avant l'heure la qualification amphibie des CHAMEAUX, qui prenaient là leur véritable identité puisqu’un chamelon offert à la compagnie a fait le voyage jusqu’en France, avec nous, couvé par le Cne GROBET. Après quelques semaine à Auvours celui-ci (le chamelon, pas le capitaine !!!) est parti en pension au zoo de LA FLECHE.

Je garde un excellent souvenir de cette mission hors du commun de par sa nouveauté et sa spécificité.

Capitaine (er) Jean Claude GRAFFIN.

 

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