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Louis JEHENNE du 2°Régiment d'Infanterie de  de Marine né à Brest le 28 novembre 1858.

 

 

 

 

 

 

Il apprend sa nomination de chevalier dans la Légion d'Honneur. A 25 ans et sur le champ de bataille ! Il est d'ailleurs le plus jeune chevalier dans l'armée.


Après des études sérieuses faites en France, en Angleterre et dans la Suisse allemande, il se présentait en 1879 à l'Ecole militaire. Entré à Saint-Cyr avec le numéro 21, il en sortait deux ans après, était incorporé au 2ème Régiment d'Infanterie de Marine et quittait Toulon le 20 mars 1883 pour aller au Tonkin, sur sa demande.

voici le texte qui parle du décès du Lieutenant d'Infanterie de Marine Louis JEHENNE dans le livre " Armée de Chalons - La défense de Bazeilles suivie de Dix ans après au Tonkin" par Georges Bastard, on y reparle également de Phu Sa, de Sontay, de Formose et des Pescadores.

 Le lieutenant Louis JEHENNE (1858-1885)

 

Avant d'entreprendre une action définitive, il fallait tenter quelques reconnaissances éloignées. Pour marcher sur Sontay, il était nécessaire de rompre la ligne d'investissement qui les enserrait depuis quatre mois...L'attaque de Phu-Sa fut dirigée dans ce but.
Elle dura toute la journée du quatorze septembre (*) 1883.
Après trois quarts d'heure à la baïonnette, huit cents mètres de retranchements formidables furent enlevés. Mais combien de difficultés et d'efforts ! Après quelles pertes !... Sur trois bataillons qui avaient donné, on comptait 88 hommes tués et 192 blessés. Dans une seule section comprenant 26 combattants, il y avait eu 3 tués et 8 blessés.

 

 

 

 

 

An nombre de ces derniers était le lieutenant JEHENNE qui, à la quatrième charge à la baïonnette et sur le bord du parapet, recevait deux balles à bout portant. L'une lui traversa le ventre à la hauteur de la ceinture et se logea près de l'épine dorsale; la deuxième balle lui brisa le bras gauche et plusieurs autres se perdirent dans ses vêtements.
Il crut naturellement qu'il allait mourir après ces graves blessures.


Il marcha néanmoins du côté de l'ambulance et il réussit à franchir une centaine de mètres. Mais, perdant beaucoup de sang et ses forces s'affaiblissant, sa vue se troubla soudain; il se coucha alors sur une digue, avec la pensée qu'il allait y rendre l'âme.
Un commandant vint alors pour lui demander s'il était grièvement blessé.
- Je crois que c'est bien fini, répondit-il...

 

Alors il entendit ce chef dire à un soldat :
- Jetez une couverture sur lui afin qu'on ne voie pas son cadavre.
Mais le cadavre se redressa, comme mû par un ressort, en entendant prononcer ces mots lugubres et pria un soldat de l'accompagner.
Deux jours plus tard, il écrivait à sa famille :<< ...J'ai deux balles, comme le dit la chanson de la payse, mais pas dans le dos. L'une m'a complètement troué le bras en brisant le radius, la seconde m'a percé le flanc et elle a été extraite le soir même. Pas un symptôme de fièvre, je bois bien, je dors bien et je puis dire que le moral est parfait. Rassurez-vous donc tous; c'est une affaire de temps, car je ne serai ni raccourci, ni difforme. >>

 

 

 

Toutes ses lettre respirent un franche gaieté, malgré les vives souffrances qu'il endure. Et quoiqu'il se sache condamné par la Faculté, il essaie encore de rassurer les siens, en leur disant qu'il a l'âme trop fortement chevillée dans le corps pour qu'elle aille faire un tour aux prairies bienheureuses. Il leur raconte ses péripéties d'une manière enjouée en citant la phrase du docteur Bouin qui le soignait : << Si vous aviez mangé ce matin, vous auriez eu l'intestin percé... et dam ! >>
Puis avec un accent de belle humeur le lieutenant s'écrie : << Et moi qui hurlais après le chef de gamelle ! >>
Racontant ensuite la prise de Sontay, il ajoute d'une façon humoristique : << Il y en a qui s'en battront l'œil et le flanc droit. Moi je ne le ferai pas pour deux raisons. D'abord cela me ferait mal,ensuite je suis désolé qu'on ait pas cerné l'ennemi qui s'est replié sur Hong-Hoa >>

 

 

 


Sa santé se rétablit peu à peu. Il commence à faire de courtes promenades. Mais sa faiblesse est extrême. On le croirait revenu en bas âge. << Il ne lui manque, dit-il, qu'un bourrelet pour compléter l'illusion >>
Il ne boite plus. Il marche sans béquilles, mais il porte au bras un appareil très lourd qui l'empêche de remuer. << Les médecins veulent, prétend-il, le retenir par le poids >>
Enfin l'amiral COURBET, qui est un ami pour ses hommes et un père pour ses officiers, leur envoie un piano. Et le lieutenant JEHENNE, avec l'aide de ses camarades et tous deux ne jouant que d'une main, donne un concert aux blessés. Un malheur qui aurait pu leur coûter la vie arrive aussitôt. Le parc prend feu. Trois cents obus éclatent à cinquante mètres de leur habitation.
Par suite de la commotion, il est projeté lui-même à terre, mais sans gravité aucune. Deux éclats d'obus tombent sur son lit... qu'il venait de quitter.
Sa convalescence s'accroit enfin rapidement, à la grande surprise du docteur qui le fait évacuer sur Haïphong; il est ensuite dirigé sur Saïgon. Le 21 février 1884, il quitte la Cochinchine et s'embarque sur l'Aveyron.


A Aden, il apprend sa nomination de chevalier dans la Légion d'Honneur. A 25 ans et sur le champ de bataille ! Il est d'ailleurs le plus jeune chevalier dans l'armée.

De Toulon il vient à Paris. Imparfaitement guéri six mois après ce retour, il faisait de nouvelles tentatives pour retourner au Tonkin. Il quittait la France le 17 janvier 1885 et arrivait au bout de quelques mois à Formose. Parvenu à Kelung, il prenait le commandement de sa compagnie. Plusieurs jours après, il recevait l'avis de se tenir prêt dans une heure à rejoindre l'amiral COURBET, comme officier d'ordonnance.
Chargé, au milieu d'un combat, de porter un ordre, il s'élance avec ardeur de la 26ème compagnie. Un mouvement tournant le rejette avec elle sur les derrières de l'ennemi, contre lequel il s'avance lui-même sabre au poing. Il tue de sa main un chef chinois. Revenant ensuite auprès de l'amiral, il trouve un second chinois qu'il abat d'un coup de revolver.
Mais il échappe bel et bien dans cette circonstance aux projectiles de l'adversaire. Une balle, effleurant le bord d'un talus, passe en sifflant au dessus de sa tête et l'aveugle de terre, tandis qu'une autre balle lui brûle le poignet.
Il est cité à l'ordre du jour de l'armée dans ces termes : << Officier dont l'entrain et la bravoure sont connus de tout le monde, s'est fait remarquer par le sang-froid, avec lequel il portait les ordres et enlevait ses hommes sous un feu très violent, est proposé d'office pour le grade de capitaine >>
Après cette expédition, entré dans un fortin de Makung (**), où le choléra importé de Kelung sévissait parmi les hommes d'une manière inquiétante, mais où cependant l'état sanitaire semblait bon pour les officiers, il succombait à un accès de fièvre algide.
La veille, il avait été de corvée pendant des travaux de terrassements, et, dans la nuit du 28 au 29 mai, il mourrait, précédant de quelques jours l'amiral qui annonçait lui-même sa mort à son père, dans ces termes : << ...Voilà, mon cher ami, en quelques mots, l'histoire du malheur qui vous frappe si cruellement. Je n'entreprendrai pas de vous consoler, je sais mieux que personne quel fils vous perdez ! >>

Paix à ce beau soldat de l'Infanterie de Marine et ... Au nom de Dieu.....Vive la Coloniale!


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