Journée du 11 août.
Le 1er bataillon de 2e R.I.C., composé des compagnies LARBALÉTRIER (1re), PETITJEAN (2e),CHAUVEUR (3e), DAYRE (4e), à l'effectif moyen de 160 fusils, venait de passer six jours en première ligne dans le centre de résistance A, où il avait eu à repousser une petite attaque allemande, et avait été relevé dans la nuit du 10 au 11 août.Il occupait les abris Territoriaux et Houyettes, lorsque commença l'attaque ennemie du 11 août sur les centres B et C.
La canonnade devenant intense, le chef de bataillon alerta son bataillon ; il était donc prêt à partir, lorsque parvint, vers 8 heures, l'ordre suivant du colonel BERTIN, commandant le secteur de la 15e D.I.C. :« Portez-vous le plus rapidement possible vers le haut du ravin des Houyettes, les Allemands ont forcé la tranchée du Pavillon en C et tentent de tourner Rondinage ».Le colonel BERTIN m'ayant fait téléphoner (écrit le chef de bataillon STIEGLITZ) que le général commandant la D.I. l'autorisait à user directement des troupes en réserve de D.I. (mon bataillon en était), j'exécutai aussitôt l'ordre reçu et arrivai de ma personne vers 8 h. 30 au P.C.C. (chef de bataillon SAILLENS, du 6e R.I.C.).Le commandant du centre C me pria de lui donner sans retard deux de mes compagnies.La compagnie LARBALÉTRIER fut immédiatement portée en première ligne pour renforcer la compagnie MANGIN (4e du 6e R.I.C.) en C2 ; la compagnie PETITJEAN en soutien pour renforcer la compagnie LE BELLOUR (3e compagnie du 6e R.I.C.) dans la tranchée dite de réserve.Les deux autres compagnies en position d'attente sur le chemin de rondins du ravin des Houyettes, la tête au poste de secours avec le commandant du 1er bataillon.Ces dispositions initiales prises, le chef de bataillon reçut du colonel BERTIN l'ordre suivant :« Vous serez sous les ordres du colonel DUHALDE, du 6e colonial, pour établir lacommunication avec le commandant SAILLENS et pour permettre à ce dernier de procéder à une contre-attaque en avant de B.Les Allemands occupent un élément de la tranchée du Pavillon, à la droite du fuseau A ».
D'autre part, le colonel GUÉRIN, commandant la 1re B.I.C., confirmait ces ordres.Enfin, le lieutenant-colonel DUHALDE me faisait connaître que mon bataillon était à la disposition du commandant SAILLENS.
Ce dernier officier supérieur me demanda, vers 9 heures, d'envoyer le capitaine DAYRE à la disposition du lieutenant-colonel DUHALDE pour coopérer aux contre-attaques dans B et pour établir la liaison avec le fuseau B2 tenu encore à ce moment par le capitaine MARION, du 6e R.I.C.La compagnie CHAUVEUR devait être placée dans le boyau qui relie le poste de secours du chemin des Rondins au P.C.C., sa tête devant le P.C. ; enfin, la compagnie PETITJEAN devait renforcer par un peloton la compagnie BOLAU (2e du 6e R.I.C.) en C3, ne conservant plus qu'un peloton dans la tranchée dite de réserve.Ces ordres furent exécutés aussitôt.Vers 9 h. 30, le capitaine LARBALÉTRIER qui renforçait en C2, fut chargé par le commandant SAILLENS de contre-attaquer à la baïonnette des Allemands qui s'avançaient par un boyau vers nos tranchées en se couvrant par une pluie de pétards.La section du sous-lieutenant LAGARDE s'élança hardiment en avant, mais seuls, cet officier et trois hommes atteignirent l'ennemi dans son boyau, le reste de la fraction ayant été arrêté après des pertes relativement fortes, par des feux d'une mitrailleuse allemande. Ils furent aussitôt blessés et pris, à l'exception d'un homme, qui put rentrer dans nos lignes. La section de l'adjudant ROGUET, envoyée pour soutenir la section LAGARDE subit aussi des pertes sensibles et dut rentrer dans la tranchée. Le mouvement offensif de l'ennemi était d'ailleurs suspendu.
Pendant ce temps, le capitaine DAYRE renforçait B3 par un peloton (Sections du souslieutenant ADANI et du sergent de JONQUIÈRES) et se ravitaillait en munitions, tandis que l'autre peloton (sections du lieutenant DEMILLY et du sergent BERCEGEAY) prenait position à l'extrémité est de la tranchée Pavillon, à la gauche des vestiges de la compagnie CLERC, du 6e colonial.Dans la matinée du 11 août, la section de l'adjudant LANUGUE, de la compagnie PETITJEAN,fut appelée de la tranchée dite de « Réserve » au fuseau C1 pour renforcer la compagnie ALBRECHT, du 6e colonial, et maintenir ainsi la liaison avec B3.Dans l'après-midi, la section du sous-lieutenant LE BRIS, de la compagnie LARBALÉTRIER,s'installait dans les trous d'obus et rétablissait ainsi la liaison entre C1 et C2.Dès ce moment, une ligne continue reliait B3 à C3 et la fin de la journée se marquait par le gain en C3 de quelques éléments de boyaux conquis à coups de pétards et l'organisation dans ce même fuseau de quelques barrages défensifs.Journée du 12 août.Dans la nuit du 11 au 12 août, le commandant SAILLENS communiqua au commandantSTIEGLITZ des messages téléphoniques du général commandant la IIIe armée et du colonel commandant le secteur prescrivant de chasser un petit groupe ennemi qui se serait terré dans le boyau faisant communiquer les tranchées est-ouest et Pavillon d'une part et le P.C.C.d'autre part. Il le pria d'organiser l'attaque de front du dit boyau et mit à sa disposition un groupement composé d'un peloton de la compagnie DAYRE (lieutenant DEMILLY et sergent BERCEGEAY), de la compagnie LEBARBENCHON (150 fusils du 1er R.I.C.), de la fraction dusous-lieutenant HUCHET (15 fusils du 6e R.I.C.), enfin deux sections de la compagnie CHAUVEUR (sous-lieutenants CLOAREC et LÉVÊQUE).Les ordres provenant de la IIIe armée se basaient sur les renseignements donnés par le commandant SAILLENS aux termes desquels le groupe ennemi à expulser était peu nombreux et plutôt disposé à se rendre qu'à se défendre.
Ces ordres d'attaque vigoureuse et surtout rapide, donnés pour que cet ennemi fatigué n'ait pas le temps de se ressaisir et de s'organiser défensivement, furent du reste confirmés au commandant STIEGLITZ par un capitaine de l'état-major de la IIIe armée.Le commandant STIEGLITZ combina une attaque à coups de pétards sur chacune des extrémités du boyau et une attaque de front venant de l'est sur le boyau.Elles furent exécutées le 12 août, vers 2 h. 45.Une demi-section du lieutenant CHAUVEUR attaqua le barrage qui avait été reconnu au nord du boyau, une demi-section du capitaine DAYRE celui du sud ; chacun disposait d'une demisection destinée à renforcer ou à occuper la portion du boyau conquise ; le reste de la force mise à la disposition du commandant STIEGLITZ attaqua de front.La première tentative exécutée pourtant avec énergie, échoue : l'attaque du barrage nord, qui était la plus facile, manquait de bons grenadiers (le 2e R.I.C. a perdu ses meilleurs éléments de l'espèce le 14 juillet dernier).L'attaque du barrage sud se heurta à une organisation défensive sérieuse (blockhaus,mitrailleuse, lancebombes) ; l'attaque de front progressa jusqu'au layon Servon-Bagatelle, fit ,en subissant des pertes, un deuxième bond, jusqu'à une ligne jalonnée par des trous d'obus,mais ne put dépasser effectivement cette ligne au delà de laquelle se trouve une zone d'arbres abattus et hachés par les obus ; zone où la marche est difficile et où les assaillants recevaient du boyau ennemi, une avalanche de grenades, pétards, bombes et rafales de mitrailleuses.Une deuxième attaque sur ce boyau fut faite vers 14 heures, le 12 août, après que l'action sur le barrage nord eut progressé, grâce à l'énergie déployée personnellement par le lieutenant CHAUVEUR qui, lançant lui-même des grenades et pétards et employant des mortiers de 70 et 90, démolit ce barrage, refoule l'ennemi sur une longueur d'environ 60 mètres de boyau et le força à reculer d'autant son organisation défensive.En même temps, les fractions du capitaine DAYRE qui, dans la matinée avaient fait un barrage en face de celui organisé au sud par l'ennemi, ne parvenaient qu'à rapprocher un peu plus ce barrage du blockhaus allemand.Voulant profiter du succès du lieutenant CHAUVEUR et de la ténacité du capitaine DAYRE, le commandant STIEGLITZ, en conformité des ordres de l'armée et des autorités intermédiaires,lança une deuxième fois de front, le reste de son groupement qui, malgré l'expérience précédente, se lança avec la plus grande vigueur, mais échoua pour les mêmes raisons que le matin.Le groupe d'attaque se replia dans sa tranchée de départ, tout en se couvrant par des postes installés au layon Servon -Bagatelle.Elle avait subi de fortes pertes ; l'effectif de la compagnie LEBARBENCHON était alors réduit de moitié. Les vestiges de la compagnie ANGELI (7e du 2e R.I.C.), installée dans la tranchée Pavillon, à l'ouest du boyau, pour prendre à revers, le cas échéant, les Allemands chassés du boyau,n'eurent pas à intervenir.Journée du 13 août 1915 Dans la nuit du 12 au 13, profitant de ce qu'une attaque lancée par le commandant SAILLENS avait pu franchir le boyau dans sa partie nord et de ce que la compagnie PLAT (9e du 2e R.I.C.) était disponible, une troisième attaque fut conduite sur la partie centrale et la partie sud du boyau ; elle subit le même sort que les deux premières.Ces trois attaques avaient du moins permis de constater que la portion du boyau où les Allemands avaient été refoulés par l'action du lieutenant CHAUVEUR sur le barrage nord, était occupée par une force ennemie que, vu le front d'où partaient les feux et vu la densité de ces feux, le commandant STIEGLITZ évalue à environ 200 hommes décidés, bien armés, bien retranchés, bien approvisionnés et réapprovisionnés, ce qui implique que le boyau attaqué était réuni à la zone occupée solidement par les Allemands dans la région nord du centre B, ou plus au nord encore. Ces constatations permirent au commandant STIEGLITZ de fixer de façon certaine le lieutenant-colonel DUHALDE et le commandant SAILLENS sur les moyens à donner aux troupes chargées de réduire le groupe ennemi dont il s'agit. Le lieutenant-colonel DUHALDE prescrivit alors de renoncer à toute attaque de front, de n'attaquer que par les barrages et de commencer contre le barrage sud une galerie de mine. La force d'attaque confiée au commandant STIEGLITZ eut à supporter dans ses tranchées, dans la journée du 12, un violent bombardement (cal. 150 et 210) qui causa des pertes et atteignit les nouvelles tranchées commencées pour relier la tranchée Pavillon au P.C.C., selon un tracé parallèle au boyau ennemi (travail achevé au moment de la relève).Le commandant STIEGLITZ ayant quitté le commandement des 1re et 2e compagnies et de la plus grande partie des 3e et 4e compagnies de son bataillon, ne peut indiquer en détail les faits accomplis par ces unités ou fractions, que le commandant SAILLENS avait sous ses ordres.Il lui paraît cependant opportun de signaler les évènements suivants :Le 11 août, vers 10 heures, à l'attaque contre le barrage nord, conduite par le lieutenant
CHAUVEUR, correspondit une attaque allemande sur C2 ; l'ennemi fonça sur la section LE BRIS (compagnie LARBALÉTRIER) installée dans des trous d'obus entre C1 et C2 et la força à se replier en arrière de la tranchée de soutien, dite « du commandant DUSSAUX », ce qui entraîna le mouvement de repli des éléments de C2 installés en première ligne plus à droite ; la tranchée du commandant DUSSAUX n'était plus tenue que par le capitaine LARBALÉTRIER disposant d'une section et demie de sa compagnie.Le commandant SAILLENS prescrivit alors au capitaine PETITJEAN d'aller faire ouvrir le feu à deux mitrailleuses qui se trouvaient en C3 et de résister coûte que coûte avec deux sections (sous-lieutenant DESLANDRE, sous-lieutenant TIROT) sur l'emplacement occupé par ces sections entre la compagnie BOLOU (C3) et la compagnie LARBALÉTRIER (C2), emplacement sur lequel était dirigée l'attaque ennemie ; le capitaine PETITJEAN rencontra alors des hommes de C2 qui fléchissaient et se repliaient, les arrêta grâce à son énergie et le capitaine LARBALÉTRIER réoccupa la portion du front qui venait d'être abandonnée.La situation était ainsi rétablie, ainsi que la liaison des fuseaux et les renforts venus de l'arrière (3e bataillon du 2e colonial) permettaient de résister victorieusement à une nouvelle attaque.Le commandant STIEGLITZ apprit par le sergent de JONQUIÈRES que le peloton de la compagnie DAYRE, détaché en B3 pour renforcer la compagnie MARION, fut, ainsi que cette dernière unité, coupé de C1, entouré presque entièrement par l'ennemi et contraint à se replier.
Dans ce mouvement de repli, une demi-section du sous-lieutenant ADANI et la demi-section du sergent de JONQUIÈRES auraient été détruites ; les deux autres demi-sections sont rentrées aux abris Territoriaux avant la relève.A la deuxième attaque de front, lancée le 12 août, vers 14 heures, contre le boyau tranchée du Pavillon – P.C.C., correspondit une attaque allemande analogue à celle du même jour, 10 heures.Les troupes de première ligne manquant de pétards, se replièrent dans la direction du P.C.C.Le sous-lieutenant TOBIE (compagnie PETITJEAN) prit alors sous ses ordres un groupe
d'environ 150 hommes de toutes compagnies, fit sonner la charge et les porta en avant au nord de P.C.C. Après quelques mouvements en avant suivis de reculs, il parvint à installer définitivement son groupe au nord de P.C.C. et rétablit la situation en ce point.Le 3e bataillon, sous les ordres du chef de bataillon LOZIVIT, accomplissait pendant ce temps une lourde tâche. Le 12 août 1915, dans la matinée, le 3e bataillon était cantonné dans les abris Territoriaux (nord-est de Vienne-le-Château).Vers 11 h. 30, le chef de bataillon recevait l'ordre suivant :« Mettre d'urgence une compagnie à la disposition du chef de bataillon SAILLENS,commandant le centre de résistance C.« Disposer les trois autres compagnies dans la tranchée est-ouest du ravin de la Houyette au Rondinage.Tenir coûte que coûte la tranchée qui barre le chemin des Rondins et le ravin de la Houyette. »La 11e compagnie (capitaine TOURNIER) se rend immédiatement au poste de commandement C et relève en première ligne la compagnie LARBALÉTRIER.Les 9e, 10e et 12e compagnies s'établissent dans la tranchée est-ouest.En se rendant au poste de commandement C, le chef de bataillon rencontre le chef de bataillon STIEGLITZ qui lui communique l'ordre suivant, du chef de bataillon SAILLENS :« Venir vite avec deux compagnies pour dégager deux compagnies cernées dans le Doigt de Gant ;« Mettre une compagnie à la disposition du chef de bataillon STIEGLITZ pour contre-attaquer.»En conséquence, les 12e compagnie (capitaine OLLIVON) et 10e compagnie (capitaine BUVELOT), commencent leur mouvement vers le poste de commandement C.La 9e compagnie (lieutenant PLUT) est mise à la disposition du chef de bataillon STIEGLITZ et restera sous ses ordres jusqu'à la relève, le 14 août, dans la matinée.Le peloton du sous-lieutenant THIÉBAULT occupe le boyau d'accès A, vers le Doigt de Gant et l'organise.Il est prêt à contre-attaquer par le nord-ouest pendant que les compagnies MARION et ALBRECHT, cernées dans le Doigt de Gant, font leur mouvement de repli par petits paquets en rampant, car il n'y a pas de communication entre le Doigt de Gant et le boyau tenu par le peloton THIÉBAULT.Après le repli des compagnies MARION et ALBRECHT, les Allemands prononcent une violente attaque, appuyée par un bombardement intense.La ligne cède, les compagnies du 6e R.I.C., le peloton de la 12e compagnie se replient en arrière de D Le chef de bataillon SAILLENS et le centre C demandent du renfort.Dès l'arrivée des renforts, les clairons sonnent la charge, les troupes remontent au delà de D,mais une contre-attaque ennemie les refoule à nouveau.Jusqu'à la nuit, plusieurs charges sont exécutées, mais les troupes ne peuvent avancer au delà de D.A la nuit, les troupes d'assaut couchent sur la position.Le chef de bataillon SAILLENS réunit les commandants de compagnie vers 0 h. L'attaque sera reprise à 3 heures.Le concours de l'artillerie ne peut être obtenu.L'attaque ne peut déboucher.Pendant toute la journée du 13 et la nuit du 14, les troupes restent sur les mêmes positions.
L'ennemi bombarde violemment nos lignes. Le concours de notre artillerie fait défaut.La relève a lieu dans la nuit du 13 au 14.Suivant ordre reçu, les unités relevées du bataillon à la disposition du centre C, restent en position d'attente près du poste de secours jusqu'à la fin de la relève.Elles sont ensuite dirigées vers les abris Territoriaux et les abris nord-ouest de Vienne-le-Château.Le 14 août, le régiment est relevé et vient se reposer à la Neuville-au-Pont.Le colonel et le capitaine major reconstituent et remettent un peu d'organisation dans les compagnies, dont quelques unes ont perdu tous leurs officiers et ont été fortement éprouvées.Le régiment a eu en effet 15 officiers blessés et un tué dans les journées de combat des 11, 12 et 13 août.Il a perdu aussi 10 sous-officiers tués, 24 blessés et 47 soldats tués, 171 disparus, et 341blessés.
Le 15 août, tout le régiment est transporté au repos à Cheppy en camions automobiles. Ilquitte Cheppy le 27 et se rend à La Cheppe.Il est employé jusqu'au 16 septembre à faire quelques travaux d'aménagement aux tranchées de première ligne et aux boyaux de communication.Le 17, le régiment part aux tranchées.Dans la nuit du 24 septembre, tout est prêt pour une grande attaque.Le bataillon STIEGLITZ se porte en première ligne et le 3e va occuper les boyaux Alsace-Gascogne aux positions de réserve de D.I., sur la route de Suippes à Souain.