« Accrochage de DOUROUGA » les 24 et 25 octobre 1978.
La 1ère compagnie du 2ème RIMa, qui va devenir « les Chameaux » dans quelque mois, est engagée dans l'opération TACAUD depuis juillet 1978.
Pré-positionnée en poste à MONGO, sa mission est de contrôler le GUERRA. Elle fait partie du dispositif avancé de l'opération, en étant la « pointe du triangle inversé » formé par MOUSSORO, ATI et ABECHE : triangle qui interdit la « ligne rouge » (17ème parallèle) contre toute invasion des rebelles du « FROLINAT » venant du nord. La position de MONGO (1ère compagnie et 1 EMT) est au sud de ce dispositif.
Il est avéré que depuis les accrochages de SALAL, d'ATI et de DJEDAA, et ceux récurrents au nord d'ABECHE, qu'une ou plusieurs « willaya », forte de 20 à 100 rebelles agissent à l'intérieur de ce triangle en harcelant les postes de gendarmes et de militaires tchadiens. Agissant en « section montée à cheval » ou à pied, ces « willaya » sont extrêmement mobiles et bénéficient, de gré ou de force, de l'appui de la population.
Après quelques escarmouches et « prises de contact » avec ces éléments par la section du lieutenant MARECHAUX (quelques prisonniers), la tâche s'avère difficile avec la saison des pluies qui limite nos capacités d'intervention en « mode motorisé ».
Le 24 octobre, 2 PUMA (1 « canon » et 1 « lisse ») sont pré-positionnés à MONGO pour une mission de reconnaissance en direction de BITKINE à l'est de MONGO. Le PUMA canon embarque pour cette mission le capitaine SEZNEC, le lieutenant MARECHAUX, le sergent-chef MOULOUMA et 3 personnels de sa section en « protection ».
Après la « reco » dans cette direction qui sert de « leurre », le plan de vol est modifié et bascule vers l'ouest, dans la région de BARO derrière l'ABOUT EL FAN (la Montagne de la Dame de Mongo). En survolant BARO, les occupants du PUMA aperçoivent une colonne formée d'une vingtaine de femmes qui se dirige vers l'oued de DOUROUGA. Cette situation n'est pas naturelle et pousse le PUMA à descendre pour mieux visionner le terrain.
C'est au cours de cette phase qu'il est pris à parti par un groupe de rebelles estimé à 30 personnels. Se mettant en vol tactique, il cerne la bande en déclenchant des tirs de son canon de 20m/m qui font énormément de dégâts parmi les rebelles attroupés au bord de l'oued.
La compagnie est alertée et rapidement se met en « ordre de marche » pour intervenir, aux ordres du capitaine ALLEMANE, par héliportage sur zone. Les JAGUAR, en alerte à N'DJAMENA, décollent et seront sur zone dans 30 à 40 minutes. Pendant ce temps, le PUMA canon qui fixe l'ennemi, est touché par 2 impacts -dont 1 dans le réservoir de kérosène- qui l'obligent à décrocher vers MONGO.
La compagnie (moins 2 groupes de combat et les conducteurs de Marmon) va alors être héliportée sur zone pour poursuivre le combat :
- la section du lieutenant GERLOTTO (avec le Sch MOULOUMA) qui connaît la zone, est héliportée en premier avec le Cne SEZNEC et 2 opérateurs radio ;
- les sections du lieutenant MARECHAUX et de l'adjudant COCO, ainsi qu'un élément de commandement (dont je fais partie), sont engagées à leur tour par des rotations des 2 hélicoptères.
Dès que le dispositif d'appui (section MARECHAUX) et de couverture (section COCO) est en place, il est de suite pris à parti par une arme automatique rebelle. La section GERLOTTO, avec l'élément de commandement que je dirige, effectue un débordement qui s'avère difficile en raison des cultures de mil. L'ennemi a décroché, protégé par la végétation. Nous récupérons des armes, des munitions, des musettes et divers effets militaires tâchés de sang.
Un nouveau dispositif est mis en place pour ratisser le terrain . C'est au cours de cette phase que d'autres armes sont découvertes, cachées et enterrées dans l'oued. Un blessé ennemi est récupéré, la section COCO fait quelques prisonniers (ils ont abandonné leurs armes et tenues et se sont habillés en cultivateurs !). Leur appartenance à la bande ne fait pas de doute, certains d'entre eux présentant de légères blessures occasionnées par les obus de 20 m/m.
La nuit arrivant, la compagnie s'installe en poste de combat en « triangle ». Afin d'éviter toute mauvaise surprise, des « sonnettes » sont installées à 200 mètres de la position clé. La nuit se passe sans accrochage. Au petit matin, nous reprenons notre ratissage en main courante du « ouadi » qui a permis, la veille, le décrochage des rebelles.
Pendant toute cette phase, nous récupérons des armes et du matériel. En fin de matinée du 25 octobre, le dispositif est levé et nous retournons à MONGO (situé à 80 km) sans pertes ni blessés.
Quelques semaines plus tard, le commandant de la « willaya » vient se constituer prisonnier au poste de MONGO. Sa bande est décimée et il veut, par ce geste, obtenir des garanties pour sa survie et le reste de ses combattants. Il nous livre énormément d'informations et nous apprend qu'au cours de cet « accrochage » 17 de ses hommes sont morts ou ont perdu la vie des suites de leurs blessures et que 27 autres ont été blessés à divers degrés : ces derniers sont rentrés se cacher dans leurs tribus et/ou villages. « L'énigme » de ne pas avoir trouvé de morts sur le terrain est levée : ils les ont emmenés avec eux en les sanglant sur les chevaux de la bande ! Les rescapés, quant à eux, se sont dispersés dans les villages aux alentours.
Ce fut une « première » pour la 1ère compagnie qui, 15 jours après, accrochait de nouveau, sans résultats probants : il devait s'agir du « reste » de la bande. Ce nouvel épisode, tout naturellement, ne sera pas confirmé par le commandant de la « willaya »...
Texte Jean Claude GRAFFIN.
Photos :Alain Tournier