«GENEVIÈVE, QUAND TOUT CELA SERA FINI, JE VOUS EMMÈNERAI DANSER»
voilà ce que dit Hantz Haas, jeune légionnaire allemand, d'un moral de fer quoique amputé des deux bras et d'une jambe, à Geneviève a Dien Bien Phu .
En remerciement des Voeux envoyé a l'Amicale par Mr Et Mme Jean et Geneviève de Heaulme
Un grand merci .- et félicitations - pour votre action.
A vous et à votre famille nos meilleurs voeux de Noël et de très bonne Année.
A tous de l'Amicale et à notre France beaucoup de voeux aussi, et beaucoup de courage pour assumer l'avenir bien incertain. Avec une pensée particulière pour ceux qui assument "sur Terre et sur Mer " et à leur famille.
Bien fraternellement
Jean et Geneviève de Heaulme
Geneviève de Galard, fidèle à un idéal
Infirmière convoyeuse, elle a partagé l'enfer des soldats français à Dien Bien Phu, il y a cinquante ans. Suite de notre série d'été sur les "héroïnes de guerre"
Elle a un agenda de ministre. Geneviève de Heaulme, née de Galard , reçoit entre deux rendez-vous dans l'appartement où elle est née, à deux pas de la rue de Lévis, dans le 17e arrondissement de Paris. Depuis la parution de ses mémoires (1), et la commémoration en mai dernier du cinquantième anniversaire de la bataille, celle qui partagea, il y a cinquante ans, le sort des 15.000 soldats enfouis dans le camp retranché de Dien Bien Phu, est sans cesse sollicitée.
«Je n'ai pas une seconde à moi, s'excuse-t-elle, un peu gênée mais ravie. Je reçois des dizaines de lettres par jour et donne des conférences dans la France entière. Le jour où Jacques Chirac m'a remis une décoration, le 7 mai, j'ai été interviewée par quatre télévisions et autant de radios»
Effets d'une notoriété auxquels Geneviève de Galard se prête bien plus volontiers qu'il y a cinquante ans. Libérée le 24 mai 1954 par les combattants Vietminh, après la chute de Dien Bien Phu, la jeune convoyeuse de blessés est accueillie en héroïne par l'armée, qui lui rend hommage, et par des dizaines de photographes, qui veulent immortaliser son image. Paris-Match lui consacre sa une et les Américains la baptisent «l'Ange de Dien Bien Phu», avant de l'inviter à New York où elle défile sur Brodaway, acclamée.
Geneviève, qui n'a pas 30 ans, ne comprend pas, dit qu'elle n'a pas mérité ça. Et puis, pense-t-elle alors, comment se prêter au jeu de la célébrité alors que tant de soldats français ne sont pas rentrés, ou souffrent encore dans les camps de rééducation ? À 79 ans, elle dit aujourd'hui de cette «publicité» qu'elle fut «exagérée, parfois déplacée».
Malgré elle, Geneviève de Galard était devenue une héroïne, une légende. Pour avoir tenu bon au creux de l'enfer, bloquée dans le camp retranché après l'accident de son avion, qui ne pouvait plus rentrer à Hanoï. Pour avoir, avec abnégation et courage, beaucoup de douceur aussi, soigné, consolé et soulagé, des centaines de blessés, sous la terre, et sous les tirs d'artillerie. Pour avoir enfin, quand tout fut fini, refusé d'être libérée par les vainqueurs, tant que les blessés n'étaient pas tous rapatriés.
«Tout cela était naturel, dit aujourd'hui Geneviève de Galard . L'action nous appelait. Et puis, dans ce courage dont on a parlé ensuite, il y avait peut-être un peu d'inconscience. Je n'ai jamais pensé que je pouvais mourir. J'avais juste le désir que ces soldats soient sauvés»
«GENEVIÈVE, QUAND TOUT CELA SERA FINI, JE VOUS EMMÈNERAI DANSER»
Eux ne l'oublieront pas. «Si elle n'avait pas été là, confiera plus tard un soldat à sa femme, je n'aurais jamais tenu le coup.» Un demi-siècle plus tard, Geneviève de Galard dit que Dien Bien Phu a «changé sa vie». «J'étais une petite fille timide, se rappelle-t-elle. Mais l'estime de ces hommes m'a donné confiance et assurance.»
En rentrant d'Indochine, l'infirmière redoute la tiédeur qui guette celles et ceux qui vivent à l'abri et choyés. Très sollicitée, la jeune femme doit choisir : «Ou vous donnez des conférences ou vous restez convoyeuse», lui dit alors sa responsable. Sa décision est prise. Elle reprend du service, «même si les évacuations sanitaires n'avaient plus rien à voir avec nos missions d'Indochine», explique-t-elle.
Puis Geneviève se marie, en 1956, aux Invalides, avec le capitaine Jean de Heaulme, un ancien d'Indochine. Elle doit quitter le corps des convoyeuses de l'air pour élever ses trois enfants, qui lui donneront trois petits-enfants. Elle s'inquiète parfois un peu pour ces derniers, parce que « la vie des jeunes aujourd'hui est difficile », dit-elle doucement. « Ils sont confrontés à trop d'incertitudes. Le chômage, la difficulté d'aimer et de s'engager Avant, les choses étaient plus simples. On suivait une filière. Beaucoup d'entre nous avaient un idéal de vie. On essayait ensuite d'y être fidèle.»
En 1983, Geneviève de Galard se présente aux élections municipales à Paris. Elle restera conseillère de son arrondissement pendant dix-huit ans, en tant que déléguée aux personnes handicapées, notamment. «Depuis Dien Bien Phu, je me suis toujours sentie proche des personnes blessées, fragiles», explique-t-elle. Aujourd'hui encore, on continue de la solliciter. Il y a quelques semaines, des religieux lui ont demandé de soutenir le dossier de régularisation d'une famille de sans-papiers algériens. Geneviève a promis qu'elle ferait de son mieux. Une autre promesse : témoigner encore, parce que les jeunes ont «besoin de savoir».
Pendant des années, Geneviève de Galard s'est pourtant tue. En rentrant de Dien Bien Phu, le capitaine de Saint-Marc (2) lui demanda, au nom du 11e bataillon parachutiste de choc, de «laisser de côté toute propagande et publicité» : «Nos camarades n'ont besoin ni d'articles, ni de films. L'Histoire les jugera, vous étiez avec eux, c'est suffisant.» La jeune convoyeuse n'a aucun mal à accepter. Elle sait qu'à Dien Bien Phu, elle n'a fait que son devoir. Une grande agence de presse américaine lui propose des milliers de dollars pour l'exclusivité de son histoire. Elle refuse. «Je voulais me faire oublier», se justifie-t-elle aujourd'hui.
Il y a trois ans, le même Hélie de Saint-Marc l'incite à sortir de sa réserve. «Plus que jamais, insistait-il, je crois à la force des témoignages.» Naît l'idée d'un livre : une épreuve pour Geneviève, qui doit exhumer le jour ses souvenirs de l'enfer, et la nuit lutter contre l'insomnie. Pendant des mois, elle ne dort pas, repense à ceux qu'elle a soignés là-bas, et qui ne sont pas rentrés. À ce jeune amputé de 18 ans qui lui dit un jour, tenant à peine debout : «Geneviève, quand tout cela sera fini, je vous emmènerai danser.» À ce jeune soldat aveugle, à l'humeur badine, qui lui jouait des airs d'harmonica. À la supplique de ce lieutenant du bataillon Bigeard, blessé à la tête : «Geneviève, promettez-moi que je ne vais pas mourir.» À tous «Quand je pense à eux aujourd'hui, je nous revois là-bas, dans la nuit, dans la boue, évoque-t-elle, songeuse. Je me revois à leur chevet. Ils sont si présents Tous.» Les enfants de Geneviève de Galard ont été les premiers témoins de ces récits douloureux. Un jour, à l'issue d'une soirée de témoignage, devant «une trentaine de neveux et nièces», son dernier fils a rejoint Geneviève dans la cuisine et lui a glissé : «Maman, je suis fier de vous.»
(1) Une femme à Dien Bien Phu . Les Arènes, Paris, 288 p., 22,90 euros.
(2) Hélie de Saint-Marc : Les Sentinelles du soir , avec Laurent Baccaria. Les Arènes, 1999.
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EN QUELQUES DATES
1925 : naissance. 1953 : entre dans le corps des convoyeuses de l'air, première mission à Hanoï. 12 janvier 1954 : deuxième mission en Indochine. 28 mars 1954 : piégée à Dien Bien Phu. 7 mai 1954 : chute de Dien Bien Phu. 24 mai 1954 : libérée des Vietminhs, elle atterrit au Laos. 26 juillet 1954 : remonte Brodway, à New York, acclamée. 1983 : élue au conseil municipal du 17e arrondissement de Paris. 2001 : retourne au Vietnam, sans passer par Dien Bien Phu.