Le 22 novembre 1944, au matin, la situation du groupement du lieutenant colonel CHARLES, composé du 1er Bataillon du 6ème Régiment de Tirailleurs Marocains et du Régiment Colonial de Chasseurs de Chars, parait critique. Le groupement tient le triangle FRIESEN – UEBERSTRASSE – LARGITZEN, dans la Haute Alsace, où l’Armée française vient de pénétrer. Il barre un couloir : la Largue. Tout autour, sur les hauteurs, des bois ; au nord, à l’ouest, au sud, l’ennemi proche, repoussé la veille avec peine. La mission est simple : tenir le triangle coûte que coûte. C’est la mince charnière que l’ennemi veut faire sauter pour couper les communications de l’armée.
L’attaque ennemie se déclenche sur FRIESEN, puissante, brutale. Pour l’allemand aussi, il faut prendre FRIESEN coûte que coûte. D’abord des « minens », qui font voler les tuiles et balaient les rues de leurs éclats, mais surtout les 88 des nouveaux et redoutables « Jagdpanther » dont on a entendu toute la nuit ronfler les moteurs et crisser les chenilles. La situation devient grave. Au nord et à l’ouest, un bataillon ennemi a pris pied dans le village et s’est installé dans le cimetière, où un Jagdpanther s’est embossé ; l’allemand déborde et tente d’encercler le village. Un autre jadgpanther s’avance dans la rue principale où il détruit systématiquement chaque maison. Les marocains s’accrochent aux ruines. Dans un combat acharné, ils les défendent pierre par pierre. C’est alors que les « Tanks-Destroyers » entrent en action. L’un, commandé par l’adjudant BOURCHIS, ouvre le feu sur l’infanterie et stoppe la menace d’encerclement par la droite. Un autre s’occupe du cimetière et le nettoie. Le chef du peloton de T.D., le lieutenant ROUSSEL, a vu le « Jadg » le plus menaçant, celui de la rue centrale et place un T.D. à l’affût. Vingt longues minutes s’écoulent. Enfin les tirailleurs signalent son arrivée : « le voilà ». Tout d’abord le canon, d’une longueur impressionnante, puis la chenille. A 70 mètres, PERCOT, le chef de char, attend. Belle proie pour un chasseur de chars ! Le premier obus frappe la fente de visée de l’engin ennemi, tuant le mécanicien. Trois autres coups achèvent le monstre. Et d’un. A onze heures, la situation est éclaircie. Le « Jagd » du cimetière se replie, l’infanterie est stoppée, deux automoteurs flambent. Mais sur la droite, un autre Jagdpanther essaie de progresser en terrain varié. Le lieutenant ROUSSEL l’aperçoit, prend un rocket-gun et s’approche. A 40 mètres, il lâche son projectile. Eclatant sur la tourelle, il y produit un tel effet que le Jagd fait demi tour « en catastrophe ». Il s’enlise, l’équipage l’abandonne. L’ennemi, désespérant de le récupérer, l’achève au 88. Le soir, l’allemand, refoulé, se repliait pour se retrancher dans HINDLINGEN. Coloniaux et marocains, soldats de l’Empire, avaient rempli leur mission.
Extrait « DE l’AOF AUX BORDS DU RHIN » (Epopée de la 9ème DIC 1944-1945)