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Mai 1940 - Mai 2010.

Cela fait tout juste 70 ans, un anniversaire de plus, c’est long, et pourtant c’est hier car ces 70 ans n’ont toujours pas expliqué ce désastre, cette débâcle. Pourquoi ce voile pudique ?


reouverture

Enfant je fus témoin des cachotteries au sein même de la famille : les pétainistes, les gaullistes, les collabos. Adolescent, je fus surpris de la légèreté avec laquelle nos professeurs évoquaient cette période, comme une maladie honteuse survolant le sujet. Bien sûr on nous parlait du 18 juin, les Français ont toujours aimé les Jeanne d’arc, on évoquait l’épopée de la résistance, mais surtout pas les 3 millions de lettres de délation entre français, record européen. Il y avait donc bien un mystère, un trouble irritatif qui avait atteint cette France. Pourquoi ?


 


 

Ce n’est pas le manque de chars, d’avions, la supposée couardise de nos soldats mais bien un mal complexe, un cancer qui a rongé et envahi la société française dans son ensemble jusqu’au chaos, et ceci bien avant les avances de Gudérian. Mai 1940, je ne vais pas vous le décrire chronologiquement, des ouvrages bien plus didactiques que cet essai sont à notre disposition, mais modestement, je vais essayer en quelques lignes de dresser le portrait de cette France si belle et si fragile dans ces années-là : regards sur sa vie politique, ses choix géostratégiques et enfin l’état de son armée à la veille de ce conflit .

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Moi aussi, je me suis fait une certaine idée de la France… Le sentiment l’inspire aussi bien que la raison disait le Général, mais pour cette dernière, il me fallait comprendre ces silences, ces délations, ces infamies et cette approche réductionniste qui ont fait, depuis 70 ans, un peuple défaitiste replié sur lui-même, crachant sur son armée, souillant jusqu’à son drapeau. Il est temps de réhabiliter cette France et cette armée qui a servi de bouc émissaire à une troisième république putrescente .

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La France de 1939, c’est 40 millions d’habitants contre 80 en Allemagne, 11 millions de salariés contre 21,5 millions d’ouvriers dans l’industrie outre Rhin. L’Allemagne produit deux fois plus d’acier que la France et n’oublions pas que la France en 1918 avait perdu 1,4 millions d’hommes, soit presque proportionnellement deux fois plus que le géant germanique.

Pourtant, c’est bien l’armée française qui va devoir absorber l’effort principal devant la toute-puissance du troisième Reich, la Grande-Bretagne n’ayant mis sur le sol français et belge qu’une dizaine de divisions et les armées belges et hollandaises sont « quantité négligeable », plutôt ancrées dans une neutralité arrangeante.

Dans le peuple du désastre, Henri Amouroux parle de 40 millions de Français qui ne s’aiment pas, c’est une litote. Ils se détestent ……..

A gauche, le parti communiste et la SFIO sont plus que frères ennemis, les communistes appliquent la ligne dure dictée par Moscou, qui deviendra fatale après le pacte germano soviétique.

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La droite est un patchwork déstructuré de groupes parlementaires entre les traditionalistes catholiques et une extrême droite antirépublicaine, antiparlementaire et antisémite. Il existe des ligues puissantes : celle de Maurras en 1926, mais aussi les Croix de Feu de 1927 (260 000 adhérents), et c’est même le monde paysan qui se regroupe en chemises vertes.

Notre échiquier politique actuel semblerait bien limpide devant ce véritable « bazar » des années 30. La politique politicienne, c’est le maître mot de 1919 à 1940 (les gouvernements se succèdent selon une cadence effrénée, on n’en compte pas moins de 44 en 21 ans, dont 16 de 1932 à mars 40). Le système de gouvernement de la IIIe République, hanté lors de sa fondation par la crainte bonapartiste, a créé un régime d’assemblée, donnant tout le pouvoir au Parlement, ce qui donne la palme au « plus insignifiant et au plus neutre » de ces hommes…

Mais comme si ces divagations ne suffisaient pas, le gouvernement de 1940 d’Union Nationale se fissure (Paul Reynaud postule en candidat à la tête du gouvernement). Il pense à lui, mais en fait, c’est sa maîtresse, la comtesse Hélène de Porte qui intrigue, intervient dans le débat politique et sape l’autorité de Daladier. Elle mène son amant où elle veut, occupant son bureau de ministre alors que la tragédie menace et que le monde entier l’appréhende : c’est un vaudeville qui se joue à Paris dans les palais gouvernementaux .

La politique étrangère de la France dans cet entre-deux-guerres est continuellement « cafouillante ». En fait, cette guerre qui reprend en 1939 comme un feu mal éteint, c’est celle à laquelle on avait cru mettre fin le 11 novembre 1918.

En effet dès 1919, plusieurs courants se dessinent, entre l’angélisme de Wilson et sa marotte, la SDN. Le traité de 1919, pour ne pas répondre aux exigences du Maréchal Foch, c’est-à-dire les frontières au Rhin, préfère « bricoler » un traité de garanties des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne envers la France… garanties qui voleront en éclats dans les mois qui suivent ce traité de Versailles.

La France a perdu sur tous les tableaux, les clauses très dures du traité de Versailles n’ont jamais été suivies dans les faits et elle se retrouve donc seule. On la critique partout dans le monde, même le Pape la désapprouve, et l’on voit apparaître dans les caricatures américaines l’image de la soldatesque française qui a remplacé celle de la soldatesque allemande. La France dans les années 20, a essayé de conclure des accords pour encercler et se prémunir de la « Grande Allemagne », mais la Grande-Bretagne se méfie plus de la France dans ces mêmes années que de l’Allemagne.

Aristide Briand fervent partisan de la paix avec l’Allemagne entame une politique de « chien crevé au fil de l’eau » ; en 1925, les accords de Locarno sont, selon la droite de l’époque, un sabotage du traité de Versailles… Briand pacifiste socialiste est très populaire dans cette France qui n’en veut plus de la guerre… Nous sommes en 1925, le premier tome de Mein Kampf paraît outre-Rhin : la graine est semée. Briand, si fier de cet accord de Locarno, n’a pas vu qu’il était assis sur la bouche du canon (caricature de l’époque)… la France est isolée, la France est divisée, « la pièce va commencer » !!!

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Le 9 mai 1940, l’armée française aligne sur le théâtre Nord Est, 63 divisions d’infanterie 7 divisions d’infanterie motorisée, 6 divisions blindées, 5 divisions légères de cavalerie et 13 divisions d’infanterie de forteresse : soit 94 divisions assistées de 2 200 chars, et pour l’armée de l’air 1 300 avions. Sur le plan technique, nos équipements sont en retard de 4 à 5 ans, nos avions volent 100 km/h moins vite que ceux d’outre-Rhin, ils ne sont pas équipés de canons et le seul qui aurait pu faire face aux Messerschmitt est le Dewoidine 520; mais on en dénombre que 36 ! Nos chars sont plus lents, moins motorisés, leur autonomie est plus faible et le pire, aucun d’entre eux ne dispose de radio émission-réception : la communication ne se faisant que par fanion !!! L’artillerie est puissante de 10 000 canons, mais vieillissante et ne disposant que d’une mobilité hippomobile alors que les « Teutons » sont motorisés.

- Aucune DCA n’a été mise en place !

- Les armes individuelles se partagent entre 13 calibres différents, peu de MAS 36 et encore beaucoup de vieux mousquetons d’instruction à 5 coups !

Mais c’est surtout une armée axée sur la défensive, vouée à une guerre de positions et loin des théories des jeunes chefs allemands tels que Guderian. Nos chefs…Parlons en ! Même si Gamelin est un officier extrêmement brillant, major de sa promotion, ils avaient tous, George, Weygand, Gamelin, 10 ans de plus que leurs équivalents germaniques: en 1940 ces 10 ans sont un monde, la différence entre la maturité et la vieillesse, et ils inspireront De Gaulle et son « grand naufrage ». Les plans, tels que le plan Dyle prévoient un mouvement par la Belgique alors que le coup de faucille à travers les Ardennes, bien qu’évoqué n’est jamais retenu .

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Les jeunes officiers tels que De Gaulle et De Lattre, à cette époque, ne peuvent prétendre qu’à un commandement de division. Depuis des années, le commandement français est divisé entre un courant novateur « division blindée » et les conservateurs fascinés par les fortifications de la ligne Maginot.

L’armée française n’est donc pas une armée nouvelle, ni par son armement ni par ses choix stratégiques : c’est l’armée de 1918 « revue et améliorée » ; le moderne, trop peu, côtoie l’obsolète omniprésent. Enfin cette armée est divisée, cloisonnée, sans aucune coordination entre la marine (la deuxième du monde), l’aviation et l’armée de terre .

Alors pourquoi tout ce gâchis ? Car il y a bien eu un gâchis monstrueux, des hommes se sont battus. En six semaines, 100 000 d’entre eux ne reviendront pas, cette campagne est proportionnellement plus coûteuse en hommes que la bataille de Verdun, voire même celle de Stalingrad.

Des hommes ont refusé de s’avouer vaincus, comme à Saumur où 2 200 cadets ont affronté 40 000 soldats de trois divisions allemandes. Dans l’Aisne, en Moselle, sur l’Oise, dans les Vosges, les actes de bravoure se sont multipliés, mais trop isolés, non coordonnés, irrationnels, comme ce premier bombardement sur Berlin… en partant de Bordeaux ; de la folie, mais des hommes ont osé…… Et si on l’oublie trop souvent, il y a l’armée des Alpes. Avec ses 200 000 Français, elle a tenu en échec 400 000 germano-italiens : les pertes françaises, 503 morts ou disparus, alors que les pertes ennemies atteignent 7329 hommes… Ces chiffres parlent d’eux-mêmes !!!

Alors pourquoi ???

L’armée française aurait pu mieux faire, mais elle ne s’est surtout pas déshonorée, son armée de terre s’est battue, ses avions ont infligé de lourdes pertes à la Luftwaffe, plus que pendant la bataille d’Angleterre. Mais notre flotte, elle, n’a pas bougé, n’a pas été présente à Dunkerque pour épauler nos valeureux soldats encerclés, qui eux, ont permis le retour du corps expéditionnaire anglais. Elle n’a pas bloqué les ports de l’Italie alors qu’elle en avait largement les moyens . On peut refaire l’histoire …

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Toute la problématique repose bien sur des conflits internes, certains hommes ne voyaient pas d’un si mauvais œil le retour à l’ordre, même si celui-ci devait être germanique !

Les véritables causes de la défaite de juin 1940 sont avant tout un ensemble politico-militaire où les louvoiements perpétuels des premiers ont glacé les seconds.

La dispersion des forces de réserves stratégiques a permis aux Allemands de pénétrer profondément dans le cœur de la France, déversant ainsi sur les routes 8 millions de personnes, soit 20 % de la population française fuyant partout, sur les routes, encombrant les gares… La désorganisation était totale, partout c’était le même spectacle déchirant, désolant, celui d’une armée en charpie, celui d’une intense fatigue, un immense fourbi.

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Tout cela survient juste après la guerre civile espagnole en avril 1939. On retrouve là encore 2 idéologies extrémistes qui s’affrontent, chaque pays d’Europe cherchant à régler le problème à sa façon. La France règlera ses propres divergences, par le biais de la collaboration… ou de la résistance !!!

Y a-t-il eu contagion ? Beaucoup de réfugiés communistes espagnols étaient sur le sol français, parfois prisonniers dans des camps. Le mécontentement de certains industriels, celui de la classe ouvrière, les affrontements idéologiques ont favorisé les différents cafouillages.

Nos pilotes ne pouvaient faire réparer leurs avions de chasse le week-end à Bourges, les syndicats refusant de travailler plus de 45 heures. Le général Weygand restera bloqué dans son bateau au large de Cherbourg, attendant le « bon vouloir » des fonctionnaires du port autonome, car depuis 1936, on ne travaillait pas avant 8 heures du matin… La bataille de France avait commencée depuis plus de 15 jours !!! Le pays était malade de ces luttes intestines. Les ordres et les contrordres se succèdent : ils vont achever la France.


Le maréchal Pétain apparaît tel un phare dans les ténèbres, pour beaucoup de nos pères !

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Un inconnu rebelle parle de la France éternelle sur une radio anglaise à peine audible !

Ne blâmons pas les premiers : remercions le second !images/stories/sites_pratiques/carte_identite_ffi_recto.jpg

Restons vigilants, lucides et courageux, pour ne pas réitérer, sous d’autres formes, les erreurs du passé… et pour que Vive la France !

Docteur Jean François ROUX.

NB : merci cher docteur pour ce magnifique essai. Le président.

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