Le BCRA, service de renseignement de la France libre.
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A mesure que ses fonctions se développent, le BCRA étoffe son personnel. On peut estimer qu’il a envoyé en mission, avant le débarquement, environ 170 agents de renseignement et entre 200 et 250 agents dédiés à l’action (saboteurs, agents de liaison, etc…). A Londres, ses effectifs passent de 23 personnes -dont 10 officiers- (fin novembre 1941) à 421 personnes -dont 73 officiers- (début 1944).
Parmi les responsables se distinguent Passy, fondateur et chef incontesté du service ; André Manuel, cofondateur et chef adjoint, unanimement apprécié, qui remplace Passy pendant ses absences, avant de prendre la direction, fin 1943, de la base londonienne ; Pierre Brossolette, enfin, qui s’impose à partir de 1942 comme la tête politique du service et exerce une forte influence sur Passy. D’autres officiers jouent un rôle important mais plus limité : Raymond Lagier, Jacques Robert, Maurice Duclos et Roger Warin.
Sans jamais manifester beaucoup d’intérêt pour son action, le général de Gaulle a toujours veillé à garder le contrôle du BCRA. Au sein même de la France libre, en 1940-1941, il refuse de le laisser passer sous la coupe de l’amiral Muselier. C’est plus vrai encore à partir de 1943, lorsqu’il lui faut partager le pouvoir avec le général Giraud au sein du Comité français de la Libération nationale (CFLN), créé à Alger en 1943. La question de la fusion entre le BCRA et les services secrets de Giraud, héritiers de ceux de Vichy, est l’un des enjeux majeurs des discussions entre les deux généraux. L’enjeu est de taille, car celui qui contrôlera les services secrets unifiés contrôlera l’action en France. De Gaulle milite pour la prééminence du président du CFLN, Giraud pour celle du commandant en chef.
Un compromis débouche sur une rupture avec la tradition française : les services fusionnés sont rattachés à un organisme civil, le Comité d’action en France (COMIDAC) créé le 4 octobre 1943 et constitué initialement de Giraud, de Gaulle et Philip. La fusion effective est toutefois lente et difficile : entreprise par le général Cochet, elle est menée à son terme par Jacques Soustelle, dans le cadre de la Direction générale des services spéciaux (DGSS), créée en novembre 1943. Elle ne s’impose concrètement qu’en avril 1944, lorsque Giraud abandonne toute fonction au sein du CFLN. Les gaullistes contrôlent alors les postes clés -Soustelle et Passy à la tête de la DGSS, sont secondés par Manuel, chef du BCRA à Londres et Pélabon, chef de la branche algéroise-, mais des officiers giraudistes s’imposent à des postes stratégiques, notamment Paul Paillole et André Bonnefous à la tête du Contre-espionnage et Pierre Lejeune à la section Action.
A suivre …..
Nota du rédacteur : la DGSS deviendra le Service de Documentation Extérieure et de Contre Espionnage (SDECE), lui-même devenant l’actuelle Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE).