Télévision : pour qui meurent les soldats ?
Le documentaire de Patrick Barbéris "La guerre en face" analyse avec justesse la relation entre les militaires français et la nation.
Très au fait des problématiques entourant la guerre et les guerriers (voir sa Trahison des médias sur le conflit du Vietnam), le réalisateur s'interroge sur la relation entre les soldats français et la nation dont ils portent les armes. La thèse du film est sans appel : les militaires tués à la guerre ont perdu leur statut de combattant. C'est ainsi expliqué en voix off : "Pour la majorité de l'opinion publique, un soldat qui meurt est une victime. Victime d'un accident, victime d'un attentat ou d'une faute de commandement." Le capitaine Frédéric Bellanger s'interroge : "Ça veut dire quoi, mourir pour son pays ?" La réponse ne vient pas d'un politique, mais d'un médecin militaire, le psychiatre Patrick Clairvoy : "Un militaire accepte (la) mort si on maintient qu'elle a servi, qu'il y a eu bénéfice pour tous du sacrifice de l'individu."
Souvent très émouvants, les témoignages, recueillis pour la plupart auprès d'officiers et de sous-officiers du 3e RIMa de Vannes, tournent donc autour de la valeur du sacrifice - méprisé par les concitoyens -, de la reconnaissance - insuffisante de la part du politique -, de l'incompréhension, en général, qui entoure les soldats. Même son de cloche chez le général Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris et ancien officier de la Légion. Il admet qu'on "honore nos soldats étrangers, qu'ils soient slovaques, chinois", mais déplore que la France envoie plus facilement ces légionnaires que les jeunes Gaulois au casse-pipe. Ce n'est plus exact, mais la question n'est pas là... Depuis le début des années quatre-vingt, les militaires français ont plus que jamais guerroyé dans des guerres éclatées, diffuses, ont été mis à contribution dans des guerres qui n'en ont pas le nom, qu'on appelle des "crises" pour ne pas faire peur : les missions d'interposition, de maintien de la paix, sont de celles où l'on prend des coups sans les rendre. À Beyrouth, en Bosnie, les appelés ont payé leur tribut. En Arabie saoudite dans le passé, en Afghanistan et de nouveau au Liban aujourd'hui, les soldats sont tous des professionnels. Est-ce une raison pour que leur pays les soutienne moins que les appelés ?