Messieurs les officiers généraux, chers camarades de l’Amicale,
Dans quelques mois nous fêterons le vingtième anniversaire du retour en France des soldats de notre pays qui ont participé aux opérations de la guerre du Golfe.
Cette manifestation revêtira une grande envergure puisqu'au-delà de la célébration de l'anniversaire, les emblèmes des formations engagées dans le Golfe (17 au total) seront honorés par l'inscription sur leurs soies de la mention "KOWEÏT 91"!
C’est la raison pour laquelle l’événement sera célébré à Paris, à priori aux Invalides, en principe en avril ou mai 2011, sous la présidence d’une haute autorité de l'état dont le rang n’est pas encore fixé (président de la république, premier ministre ou ministre de la défense).
Pardonnez ces nombreuses incertitudes, mais comme l’a écrit récemment le général de corps d’armée DARY, gouverneur militaire de Paris, le « temps politique » n’est pas le temps « militaire ». Il est donc tout à fait possible que ces zones d’ombre ne s’éclaircissent qu’en début d’année 2O11, ce qui nous imposera d’être réactifs en étant massivement présents à ce rendez-vous historique.
Précédant cet événement, la dernière assemblée générale annuelle de l’Amicale se déroulera à Nîmes le samedi 12 mars 2011. Elle sera suivie d'une cérémonie militaire, organisée grâce au soutien incontournable de la 6ème BLB et en étroite liaison avec la mairie de la ville. Je compte sur votre participation active afin de rendre un dernier hommage à une ville dont partit en septembre 1990 le « cœur » de la division Daguet et dont l’attachement et la fidélité à notre action n’ont pas failli depuis vingt ans .
Pour nous permettre de conserver un souvenir marquant de cet anniversaire, le colonel Olivier Latrémolière, ancien officier du Sirpa/terre qui effectua de nombreuses liaisons dans le Golfe et membre sympathisant de l’Amicale de surcroît, s’est spontanément attelé à la réalisation d’un document audiovisuel en liaison avec l’ECPA. Compte-tenu du peu de temps dont il dispose et du coût d’une telle réalisation, il a été choisi de réaliser un DVD à partir de l’excellente cassette VHS « La France dans la guerre du Golfe ».Une série d’interviews des principaux acteurs de l’époque complétera ce magnifique document.
Par ailleurs, le bureau de l’Amicale a décidé de faire frapper une médaille souvenir de l’événement (à la date du 20ème anniversaire) en reprenant le logo de l'AADD.
Enfin, vous avez pu constater que notre site a été sérieusement rénové et que, pour l’instant, il bat tous les records de consultation ! Grâce au concours d’un webmaster professionnel, nous lui avons redonné vie avec l’ambition d’en faire un site de référence de portée internationale pour tout ce qui concerne la guerre du Golfe 1990-1991. Depuis sa création le 26 août 2010, il ne cesse de s’enrichir et toutes les propositions permettant d’en améliorer la tenue et surtout l’intérêt historique seront les bienvenues. A titre d' information, l’ancien site a reçu 15.000 visites en dix ans alors que le nouveau en comptabilise 17.000… en un mois et demi ! Sans commentaires. La réussite de cette entreprise est d’autant plus impérative que notre Amicale sera dissoute fin 2011, conformément à la décision prise lors de l’AG 2010. Ce site sera alors le trait d’union indispensable entre tous les anciens du Golfe, au sein même de la Fédération Nationale des Anciens des Missions Extérieures.
Au-delà de ces orientations et informations que je ne manquerai pas de vous confirmer en temps réel, je voudrais maintenant vous faire part de quelques considérations personnelles. Je vous demande de bien vouloir me pardonner de les avoir émaillées d’allusions relatives à mon temps de commandement.
Notre expédition en Arabie Saoudite puis en Irak fut une épopée couverte de gloire. Après des mois de préparation, tous les objectifs fixés furent conquis au cours d’un formidable raid de cent heures. Deux morts et vingt-cinq blessés furent à déplorer lors de cette action … tribut trop lourd à mon humble avis même si la théorie du « zéro mort » n’est que pure utopie ! J’avoue ma fierté, encore aujourd’hui, d’avoir ramené au pays la totalité des 1500 légionnaires, cavaliers, parachutistes, artilleurs, sapeurs et autres soldats de métier qui me furent confiés pendant six mois... C'est mon plus grand motif de satisfaction, n’en déplaise à ceux qui pensèrent et pensent encore, hélas pour eux, que seules des pertes humaines sévères traduisent le sérieux et l’intensité d’un conflit … De plus, quelques esprits chagrins voire jaloux, qui bien sur n’étaient pas concernés par l’engagement, qualifièrent notre offensive éclair de « promenade de santé », voire de « simple opération de police » pour ne rester que dans le "militairement correct"; ce à quoi il est simple de répondre selon la formule héritée de nos anciens (les vrais, eux) : « instruction difficile, guerre facile »… Je dois le reconnaître, nous avons consacré à l’instruction, au « drill », des milliers d’heures avec d’autant plus d’acharnement et de passion que nous avons eu de surcroît l’honneur de mettre le pied à l’étrier à nos frères d’armes de la 9ème DIMa et des autres formations de l'armée de terre venus renforcer la division dès les premiers jours de 1991 pour mener avec nous l’offensive finale ! Alors pourquoi s’étonner, voire reprocher à l’heure du bilan, le peu de « casse » humaine et matérielle ?
Mais l’instruction aussi poussée qu’elle ait été ne pouvait à elle seule expliquer un tel succès, d’autant que nous devions affronter la redoutable 45ème division d’infanterie irakienne, spécialiste du combat NBC, qui avait infligé peu de temps auparavant d’effroyables pertes dans les rangs de l'armée Iranienne.
En fait, nous avons eu la chance d’être parfaitement équipés, si ce n’est suréquipés, lorsque débuta l’offensive…Rien ne fut trop beau à l’époque pour la Division Daguet, y compris un soutien santé colossal, aussi bien dans le désert qu’à Ryad : je pense que nous avons été dotés, avec nos modestes effectifs, de la majeure partie des équipements dont disposaient à l'époque l’armée de terre et le service de santé. Ainsi, lorsque le général Mouscardes me confia le 17 janvier 1991 (jour de l’attaque aérienne massive de l’armée américaine en Irak) la mission d’éclairer la progression de la division entre notre zone de stationnement du moment et Rafah, bourgade située 300 kilomètres plus à l’ouest, il renforça pour l’occasion mon régiment d’un escadron Sagaie (afin d’éclairer au plus près) et d’une escadrille d’hélicoptères légers Gazelle (afin d’éclairer un peu plus loin)… Avec de tels moyens servis par des hommes surentraînés, il eut été impensable et surtout impardonnable d'être surpris par un ennemi quelle que fut sa posture !!!
Entraînés et bien équipés, conscients de notre force mais respectueux de celle de notre adversaire, nous avons parfaitement rempli notre mission. Nous avons été récompensés, trop au gré de certains, mais nous n’avons rien demandé. Nous nous sommes contentés de recevoir et d’arborer les médailles que les autorités compétentes sans doute rassérénées par le dénouement heureux d’un conflit à l'issue très incertaine au départ ( il suffit de relire un instant les journaux de l’époque ) avaient décidé de nous accorder! Il me semble utile de rappeler qu’au passage de la frontière irakienne le 24 février 1991 à l’aube, nous disposions d’un sac de conditionnement post-mortem…pour deux hommes, soit un taux de pertes prévisionnel pour le moins peu optimiste...de cinquante pour cent.
A l’instar des légions rentrant à Rome nous avons été triomphalement accueillis dans nos garnisons, après avoir reçu du pays tout entier entre Noël et le retour en France des milliers de colis et des dizaines de milliers de courriers, tous plus émouvants les uns que les autres. Un détachement interarmées Français participa même à la grande parade « historique » à New-York le 10 juin 1991 sur Broadway marquant l’importance accordée par les Etats-Unis à notre présence à leurs côtés, en particulier au sein du 18ème corps. La descente des Champs-Elysées le 14 juillet fut l’apothéose de l’opération exprimant une fois de plus la reconnaissance, le soutien et l’admiration de tous les Français envers leurs « héros du Golfe ».
De tout cela nous pouvons et devons à juste titre être fiers, tout en gardant la modestie qui sied à des soldats de métier.
Hélas le temps efface tout, très vite, particulièrement au cours de ces vingt dernières années où les actions et interventions militaires se sont succédées sans répit.
Notre épopée, victorieuse et glorieuse, fut et restera unique en son genre…d'autant qu'elle a marqué un véritable tournant dans la conduite des opérations menées par notre pays!
C'est pourquoi seule une participation massive de tous les anciens du Golfe au grand rassemblement de Paris dans le cadre prestigieux de la cour des Invalides traduira l’intensité de ce que nous avons vécu et partagé.
Je compte sur vous et sur votre présence. Je vous demande, dès maintenant, de bien vouloir avertir tous les anciens de votre entourage de l’importance et de l’imminence de ce grand rendez-vous, même si la date précise n’est pas encore connue.
Vous pouvez compter sur moi.
Respects et Amitiés.
Général (2S) Yves DERVILLE
Président de l'AADD