Madame Marcel Bigeard,

Monsieur le Ministre,

Madame le Secrétaire d’État,

Madame le Maire,

Monsieur le Président du Conseil Général,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Et mesdames et messieurs les élus,

Chères Touloises et chers Toulois,

 

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Ce n’est pas ma place de prendre la parole dans une Église, ce rôle vous revient Monseigneur et à vous mon Père qui avez la charge d’assurer la survie spirituelle du Général Marcel Bigeard.

Si je fais une exception à cette règle, mesdames et messieurs les proches, les amis et les camarades de Marcel Bigeard c’est que je voudrais partager avec vous trois souvenirs qui me lient à lui.

 

Le premier c’est le moment où je lui ai conféré dans la cour des Invalides les insignes de notre plus haute distinction nationale. Je lui ai remis le grand cordon de la Légion d’Honneur et au moment de lui donner, comme c’est la règle, l’accolade j’ai eu la perception aigue que je décorai le dernier soldat emblématique de notre histoire militaire et ce sentiment m’a saisi,  comprenez moi bien, il existe Mr le Ministre et il existera toujours des militaires courageux en France. Il suffit de se souvenir de Kolwezi et de penser à nos soldats qui mènent une guerre ingrate et courageuse en Afghanistan. Mais l’histoire militaire n’offrira sans doute plus à un même homme l’occasion de déployer son courage pendant vingt trois années continues sur les terrains de combats de France, d’Asie et d’Afrique. De même que la victoire de 1918 restera la dernière victoire de la France dans un conflit mondial où elle exerçait le commandement des armées alliées, de même le courage et le dévouement personnel et passionnel de Marcel Bigeard à toutes les causes de la France feront sans doute de lui la dernière figure emblématique du soldat dans notre histoire militaire.

 

Le deuxième souvenir concerne Dien Bien Phu ; Marcel Bigeard a sauté deux fois sur le camp de Dien Bien Phu. La première fois pour la mise en place de nos forces et la préparation du combat et la deuxième fois c’était lorsque le siège avait déjà commencé et que l’on essayait d’envoyer des renforts à nos soldats qui étaient placés dans une situation déjà désespérée. J’étais présent à l’Assemblée Nationale comme jeune collaborateur du ministre des finances, lorsque le président du conseil de l’époque est venu, par surprise, annoncer la chute du camp de Dien Bien Phu ; tous les députés se sont levés et ont gardé le silence, soudés par la même émotion. J’ai pensé à l’épreuve qu’ils avaient traversée, tous ceux qui avaient sauté en dernier et qui allaient connaître la captivité, les mauvais traitements et les humiliations. C’est pourquoi j’ai compris le souhait de Marcel Bigeard de voir ses cendres dispersées au dessus du camp de Dien Bien Phu. Il voulait rejoindre les cendres de ses camarades et ce serait son 3ème saut sur Dien Bien Phu.

 

Le dernier souvenir porte sur sa mission ministérielle ; je l’ai nommé le 31 décembre 1975 comme secrétaire d’État à la Défense à l’occasion de mon premier remaniement gouvernemental. Ce remaniement avait pour objet, comme tous les suivants, d’améliorer l’efficacité du gouvernement. Or notre Armée connaissait un malaise grave. Les incidents éclataient au départ des permissionnaires à la gare de l’Est, on parlait de l’instauration de comités de soldats. J’ai fais venir Bigeard à l’Élysée, je lui ai parlé seul à seul en lui indiquant que sa mission serait de rétablir le moral et la discipline de l’Armée. Il m’a répondu : « Vous êtes comme Président de la République, le chef des armées, je n’ai pas à discuter, je suis prêt à assumer la mission que vous voulez me confier ». Il est revenu me voir le 4 aout 1976, 18 mois plus tard pour me dire : « J’ai accompli ma mission, je vous demande de me laisser partir ». Il avait effectivement accompli sa tâche. La discipline avait été rétablie, la condition militaire avait été revalorisée et tous les gradés de notre armée avaient repris confiance dans leur rôle car Bigeard n’était pas seulement un combattant mais aussi un organisateur et un entraineur d’homme.

 

J’ai entendu Madame sa voix pour la dernière fois au téléphone, il y a 17 jours. Il était à l’hôpital et il espérait rentrer chez lui. Je lui ai dit que je viendrais lui rendre visite à Toul. Je ne pensais pas venir si vite.

Je me souviens d’un dicton : « Les vieux soldats ne meurent jamais, ils s’effacent seulement à l’horizon ». Le Général Bigeard était un grand soldat ; désormais c’est derrière l’horizon que nous le retrouverons.

 

Je vous remercie.

 

Cathédrale de Toul, le 21 juin 2010.

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