On apprend incidemment aujourd'hui qu'un quart des soldats rentrant d'Afghanistan se trouveraient en état de souffrance psychique.
"On n'accompagne pas assez nos soldats rentrant d'Afghanistan"
La députée socialiste de Bordeaux Michèle Delaunay, médecin, estime qu'un quart des soldats français rentrés d'Afghanistan souffrent de troubles psychiques.
Vous venez de poser une question écrite au gouvernement sur les souffrances psychiques endurées par les militaires français en Afghanistan, qui seraient à vos yeux insuffisamment reconnues. La situation est-elle si grave ?
Si nous connaissons le nombre de soldats français morts en Afghanistan - 75 à ce jour -, nous n'avons pas de chiffres sur les blessés, qu'ils soient physiques ou psychologiques. On apprend incidemment aujourd'hui qu'un quart des soldats rentrant d'Afghanistan se trouveraient en état de souffrance psychique. Je suis contactée par des familles qui me disent : "Notre enfant va très mal !" Une Bordelaise m'a expliqué que son fils de retour d'Afghanistan a tenté à deux reprises de se suicider. Vous imaginez son inquiétude ! Pour cette raison, elle met actuellement sur pied une association, qui permettra aux familles de se retrouver, de parler de ce sujet et d'agir ensemble.
Mais les armées disent qu'elles n'abandonnent pas leurs soldats. Et qu'elles s'occupent de tous, y compris de ceux souffrant de troubles psychiques.
Ce qui est fait pour accompagner les soldats qui reviennent, ce n'est pas assez. Ils ont besoin d'une prise en charge médicale, mais aussi qu'on leur montre que les Français comprennent le sens de leur engagement et la difficile période qu'ils ont traversée. Ils sont trop nombreux à penser qu'ils ne sont pas compris. Cette guerre qui ne dit pas son nom n'est pas acceptée par les Français. Plus de 60 % y sont défavorables. Si c'est une chose de s'interroger sur la légitimité de cet engagement, cela en est une autre de ne pas encourager nos soldats qui y sont allés au nom de la France.
Pourquoi votre préoccupation s'exprime-t-elle aujourd'hui ?
Parce que les pertes s'accentuent. Relativement au nombre de soldats sur le terrain, c'est la France qui en connaît le plus. C'est d'ailleurs un autre chiffre dont je demande la communication : combien de militaires ont été engagés en Afghanistan depuis dix ans ? Si un quart de ces hommes sont en souffrance psychique, c'est vraiment un sujet qui mérite d'être étudié de manière assez sérieuse.
La relative indifférence de l'opinion publique, mais aussi des politiques, sur l'engagement en Afghanistan, n'est-elle pas liée au fait que les soldats français qui y sont déployés sont des professionnels, volontaires pour cette mission ?
Peut-être. Mais si des gens se trouvent en souffrance, quelle que soit la profession, on a l'obligation de les accompagner et de mettre à leur disposition et à celle de leurs familles des moyens d'accompagnement et de soutien comme pour toute autre personne. Si un quart des députés se trouvaient dans cette situation, je demanderais un soutien pour eux ! Si les militaires étaient engagés sur un théâtre d'opérations que le public connaissait mieux, peut-être leur action serait-elle mieux acceptée et davantage valorisée. En Afghanistan, ils risquent leur vie. Je parlais l'autre jour avec un militaire qui me disait qu'il avait travaillé à dégager une route en Afghanistan. Or, il regrettait que, quand il en parlait autour de lui, personne ne comprenait l'importance de cette mission. De fait, quand ils rentrent, leur action n'est pas valorisée. C'est notre responsabilité d'insister sur leur rôle, de dire à ces soldats que leur engagement et leur courage sont appréciés, estimés et respectés.
Toujours en faveur des soldats déployés en Afghanistan, vous regrettez que le bénéfice de la campagne "double", pourtant annoncé par le gouvernement, ne soit pas entré en vigueur...
Durant cette guerre, François Fillon a promis que le temps d'engagement en Afghanistan serait bonifié pour la pension des militaires concernés. À savoir qu'il ne s'agira pas d'une campagne "simple", comme pour les opérations extérieures classiques, mais bien d'une campagne "double." Je demande au Premier ministre de nous dire que cette décision entrera en effet, selon quelles modalités et si elle sera rétroactive.
Le bénéfice de la campagne double permet l'obtention de deux ans de bonification par année sur le terrain. Un séjour d'un an correspond à trois ans de service.
commentaires et source : Jean Guisnel