Un carré central de 100 tombes est consacré aux Anciens combattants "mutilés du cerveau", comme le spécifie une plaque
je me souviens de ces blessés de guerre, j'en voyais tous les jours qui erraient dans l'hôpital près de chez mes parents, qui erraient comme des fous.
« - Ils sont fous mon chéri »
C'est ma mère qui me le répétait sans cesse quand elle sentait que je les observais malgré son interdiction. Ils me fascinaient, je m'en souviens, mais était-ce pour autant malsain qu'un enfant s'intéresse à ces pauvres types, blessés de guerre, le cerveau était touché, certains avaient juste des troubles de langage ou des troubles physiques, certains aussi n'étaient plus que des loques, des légumes, c'est ainsi que je les entends nommer aujourd'hui dans les hôpitaux.
Je revois ces corps cadavériques qui marchaient comme ils pouvaient dans le parc, quelques uns restaient hagards devant le cimetière où reposaient anonymement la plupart du temps leurs défunts compagnons de folies.
« - Ce sont des mutilés de 14-18, mais c'est le cerveau qu'ils ont perdu »
Encore ma mère qui me disait ça. Un peu plus tard, je me souviens de m'être mis comme eux à regarder ce cimetière, étrange forêt de croix en fer, souvent sans nom ni date, je regardais comme eux le temps qui passe. Presque comme eux, car ils attendaient d'y être à leur tour, ce qui ne tardait pas en général, je l'ai appris récemment en faisant des recherches, car ils étaient mal nourris, on attendait qu'enfin ils meurent
suite du poeme de Erwan Thierry ici
vidéo intéressante sur le cimetierre de Cadillac ici
Les "gueules cassées" et les oubliés de Cadillac
Contactés par l'association CAMINAREM ("nous cheminons" en occitan) au sujet de l'existence dans l'enceinte du cimetière de l'hôpital psychiatrique de la ville de Cadillac d'un lieu de repos de soldats oubliés par la République, les "Chemins de mémoire" ont cherché à en connaître davantage sur leur sort.
Revenus avec les séquelles du front, ces combattants, comme nombre de leurs frères d'arme, ont été renvoyés dans leurs familles à la fin de la guerre, ou, le cas échéant, se sont retrouvés pris en charges par des oeuvres de charité, ou des institutions hospitalières, lesquelles se sont souciées de leur fournir une dernière demeure.
L'aimable contribution des centres d'archives, des mairies et des services préfectoraux et fiscaux, a permis de reconstituer le parcours de ces hommes avant leur admission à l'hôpital de Cadillac.
le site chemins_des_mémoires
A une époque, il était bien entretenu. Demeure un emplacement à part, bien matérialisé au milieu d'une rangée, un écusson de la Répu-blique sur un poteau, deux plaques sur le mur. C'est le carré des anciens combattants de la guerre 14-18, 98 sépultures. Ce carré des « mu¬tilés du cerveau » et des « gueules cassées » est le seul à donner une impression de normalité. Mais eux aussi sont oubliés : à cause de leur passage en asile, ils ne figurent nulle part dans les registres du ministère de la défense, pas plus à l'Office national des anciens combat¬tants. «A cause des négligences de la direction de l'hôpital de l'époque, ils ne sont même pas dé¬clarés morts pour la France », peste Vincent Costa, le président de l'amicale des anciens combattants de Cadillac, persuadé que des di¬zaines d'entre eux ont même été déterrés et entassés dans le dépositoire-ossuaire