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Les Français voulaient, eux aussi, rendre un hommage public aux soldats tués. À Paris, chaque convoi funéraire est maintenant honoré sur le pont Alexandre-III, face aux Invalides.


La première fois, en juin, ils n'étaient qu'une dizaine, en haut des Champs-Élysées : quelques "anciens", motivés, venus saluer un de leurs jeunes frères d'armes tombé au combat en Afghanistan. Ce jeudi 17 novembre, ils étaient deux cents à trois cents, sur le pont Alexandre-III, au passage du convoi funéraire du légionnaire Goran Franjkovic, 25 ans, tué trois jours plus tôt, devenu "Français par le sang versé".

 

Dans cette petite foule, des civils, parfois réservistes, des militaires en tenue, des pompiers de Paris, des étudiants et des badauds, impressionnéspar ce convoi escorté par des motards en grand uniforme, roulant assez lentement pour apercevoir le képi blanc de Franjkovic sur son cercueil. « Notre petit groupe a essaimé, sourit Bernard, ancien appelé parachutiste. On avait l'impression que les corps de nos tués en opération revenaient en catimini. Ce n'est plus le cas. » Cet hommage est maintenant relayé par les associations et même par l'état-major.

 

 

Jusqu'en avril, les dépouilles mortelles arrivaient à l'aéroport de Roissy le matin. Une brève cérémonie privée (sans médias ni spectateurs) s'y déroulait au pavillon d'honneur, en présence de la famille et des compagnons d'armes les plus proches, avec le chef d'état-major de l'armée du soldat tué. L'hommage national public était ensuite rendu dans la garnison du décédé, présidé par le ministre de la Défense et, dans certains cas, par le président de la République.

Les circonstances et la volonté d'un chef ont modifié la donne. Immobilisé par des travaux importants commencés en février, le pavillon d'honneur de Roissy n'était plus disponible. Le général Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris, décidait alors de modifier le protocole. Connu pour son attention à l'égard des soldats victimes du devoir et de leur famille, ce soldat (légionnaire parachutiste, il combattit à Kolwezi en 1978), transférait aux Invalides les cérémonies de l'hommage privé, pour gagner en dignité. « Il fallait des conditions satisfaisantes, en particulier pour les familles dont c'était le tout premier contact avec le corps de leur défunt », précise le colonel Olivier Sastre, chargé de communication auprès du général Dary.

Ce nouveau protocole a été appliqué la première fois pour le retour de la dépouille du caporal Alexandre Rivière, tué le 20 avril. L'itinéraire n'a plus changé. De Roissy aux Invalides, le convoi rejoint Paris par la porte Maillot, passe devant l'Arc de triomphe, avant les Champs-Élysées, le pont Alexandre-III et l'entrée aux Invalides. Depuis Rivière, vingt autres soldats ont suivi ce parcours, jusqu'à Franjkovic, 76e soldat mort pour la France en Afghanistan.

Le salut des Parisiens prend lentement de l'ampleur, même si on est encore loin de la ferveur des foules britanniques ou canadiennes en hommage à leurs soldats tués. Le général Dary en est conscient. Depuis juin, il communique les modalités de passage du convoi. « Nous souhaitons associer le monde combattant et, plus largement, les citoyens français qui veulent rendre hommage au sacrifice de nos héros et témoigner leur soutien et leur solidarité avec l'armée française », explique le colonel Sastre.

En juillet, cet hommage s'est déplacé des Champs-Élysées vers le pont Alexandre-III. Cet été, on vit une section affectée au plan Vigipirate rendre les honneurs au convoi, au côté des sapeurs-pompiers de Paris, alignés devant leurs véhicules, gyrophares allumés en signe de sympathie. Les militaires d'active s'avouent touchés par cette sympathie respectueuse. Présent sur les rangs le 17 novembre, le général Thierry Cambournac, inspecteur général des armées, l'a dit autour de lui : « Au nom de l'armée française, je vous remercie. »

Un faire-part d'hommage, avec la date et l'horaire de passage du convoi, paraîtra désormais dans le carnet du jour du Parisien. Le général Dary invite officiellement ceux qui le souhaitent à venir sur le pont Alexandre-III : « Pour manifester leur présence silencieuse, digne et fraternelle... si possible avec un drapeau français. »

Frédéric PONS (Le Monde).

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