« Mourir pour la France a un sens extrêmement profond »
Quel est le rôle de l'aumônerie militaire quand des soldats sont tués en opération ?
Mgr Luc Ravel : Tout le monde se trouve démuni quand de tels drames surviennent. Très spontanément,le commandement se tourne vers l'aumônier. Ce type d'annonce est toujours un choc pour les frères d'armes, on attend de nous une présence calme et forte à la fois.Beaucoup d'écoute.
Dès qu'il le peut, l'aumônier organise une veillée, avec les moyens du bord.Commence alors tout un accompagnement,non seulement avec les aumôniers engagés sur le terrain,mais aussi avec ceux qui sont restés en France, et qui vont à la rencontre des familles.
Notre Dame des Victoires Afghanistan
Ne pensez-vous pas que l'idée du don d'une vie à la Nation passe diffi cilement à une époque où le service militaire a disparu,où la notion d'engagement semble plus volatile ?
Mgr L. R. : Il en va de l'Église comme de la Nation. Chacun veut bien en être et considère la communauté nationale comme étant à même de fournir tout un ensemble de services et d'aides. Mais peu acceptent l'engagement vis-à-vis de cette communauté. D'où la di culté des vocations religieuses, qui sont des vocations tout entières données à l'Église, comme la vocation militaire l'est à la Nation. Le lien entre la mission militaire et la population passe donc par la reprise de conscience de ce qu'est la Nation:une communauté qui transcende la somme des individus. Dès qu'on perd cette idée, on ne peut pas comprendre que des hommes et desfemmes puissent donner leur vie en s'engageant pleinement.
Comment les blessés réintègrent-ils la vie« à l'arrière », une fois passés les honneurs ?
Mgr L. R. : Nos armées font beaucoup d'efforts pour les soutenir, les garder au sein de cette famille qu'est l'armée. Personnellement, je trouve que ces soldats ont un comportement
admirable. Beaucoup de ceux que j'ai rencontrés manifestent un désir de vivre, de grandir à nouveau et de dépasser leur handicap. Ils pourraient être des modèles pour
notre société, pour nos jeunes qui se plaignent parfois de maux bien moindres. En même temps, comme nos engagements extérieurs sont parfois mal compris, certains les
utilisent comme un plaidoyer pour exiger le retrait de nos troupes. Nos hommes politiques devraient se poser la question: comment, aujourd'hui,forger chez nos jeunes
une conscience nationale? Mourir pour la France a un sens extrêmement profond.
RECUEILLI PAR FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE la croix
Homélie de Monseigneur Luc Ravel, évêque aux armées cérémonie militaire d'hommage national