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La France est engagée dans une guerre qui ne dit pas son nom. Pourtant les 58 visages de ceux qui sont tombés nous rappellent à la réalité. Par Jean-Paul Mari.


La France n'est "pas en guerre en Afghanistan". Voilà le dogme gouvernemental énoncé par l'ancien ministre de la Défense, Hervé Morin. La preuve ? Il n'y a pas eu de "déclaration".


Pas de déclaration, donc pas de guerre et pas d'armistice. Au mieux, il s'agit d'opérations meurtrières qui "ressemblent à des opérations de guerre" dans le cadre de l'ONU avec pour objectif la paix. Laborieuse rhétorique.

Que font alors nos soldats qui se relaient, 8.000 par an, à Kaboul et dans la vallée de la Kapisa ? Dix ans déjà. Et que dire quand dix d'entre eux tombent le 18 août 2008 sous les balles des "insurgés", dans la plus sanglante des embuscades, celle de la vallée d'Uzbeen ? Qu'ils sont morts dans un accident de chasse ?

Cette guerre d'Afghanistan ne veut pas dire son nom, façon d'éviter un débat public. Vieux défaut. Toutes proportions gardées, il aura fallu attendre 1998 avant de renoncer à qualifier la guerre d'Algérie autrement que par le terme d'"événements".

Et l'embuscade d'Uzbeen n'est que l'écho historique de l'embuscade de Palestro en 1956 qui avait provoqué un choc similaire. "Si ce n'est pas une guerre, que sont alors nos soldats... des lansquenets ?", s'énerve un général français de haut rang.

Non, ces militaires professionnels ne sont pas des mercenaires. Ils partent en Afghanistan parce que la nation leur en a donné l'ordre. Tous combattent, certains meurent.

Cinquante-huit depuis 2001. Et chaque perte au combat dérange un peu plus ce dogme d'une guerre qui n'existe pas, qu'on voudrait nier, rendre invisible.

Ces morts invisibles... les voici.

Jean-Paul Mari – Le Nouvel Observateur

Article publié dans Le Nouvel Observateur du 26 mai 2011.



Afghanistan : les morts oubliés par Nouvelobs

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