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Indochine ..... Afghanistan .... même Syndrome ?

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En 1951 LE ROI JEAN (Le général de Lattre de tassigny) disait ceci.

« Que la protection de nos armes n'a de sens, que parce qu'elle donne

au Vietnam, qui grandit dans l'indépendance, le temps et les moyens de devenir assez fort pour

se sauver lui-même, pour rassembler toutes les énergies »

vidéo Ina : ici

Guerre d'Indochine -------------------------------------------------------------------------------Guerre en Afghanistan

Éloignement du conflit

Troupes professionnelles

Manque d intérêts par les politiques et d’une grande partie de la population

Manque de moyens

Problèmes économiques et sociaux en métropole

Elles ne sont donc pas la priorité

 

 

Article publié le 22 Juin 2010

Par Antoine Fleuret

Source : LE MONDE

 

 

 

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Le caporal Eric a été désigné pour accompagner le rapatriement de son camarade Vincent, mort en Afghanistan. Dans l'avion qui les ramène en métropole, il imagine son arrivée à l'aéroport et les applaudissements comme pour les marines aux Etats-Unis.

Il n'en sera rien.

Puis il songe au trajet vers le cimetière et, comme au Canada, il voit de nombreux compatriotes sur le parcours avec des drapeaux et des pancartes de remerciement. Mais il ne distinguera personne. "Ils doivent nous attendre au cimetière", pense-t-il alors.

Son attente sera comblée avec la présence de la famille de Vincent, du ministre de la défense, des notables locaux et des associations d'anciens combattants. Surpris par l'anonymat de ce retour, il apprend alors que les derniers sondages confirment une tendance à l'agnosie au sujet de l'engagement des soldats français en Afghanistan.

Le maréchal de Lattre exprimait en 1951 ses inquiétudes sur l'avenir de la présence française en Indochine, en expliquant qu'il ne pouvait tout résoudre seul et que le corps expéditionnaire avait besoin du soutien du peuple français. Le risque de voir notre pays confronté au même syndrome de distanciation entre les forces engagées en Afghanistan et la population est évident. Il s'agit peut-être même déjà d'une réalité.

Cette comparaison germe pour de nombreux observateurs de l'engagement de l'armée française en Afghanistan. Or cette indifférence manifeste interpelle, car elle pourrait influer à terme sur la pleine efficacité de nos unités.

L'éloignement kilométrique du "pays des Afghans", pourtant moindre que celui qui nous sépare de l'Indochine, constitue une première explication. Mais ce désintérêt s'explique surtout par les difficultés de compréhension des motifs de notre présence sur place.

Nos dirigeants qui ont décidé de cet engagement ont là de véritables efforts de pédagogie et d'explication à produire. Cela est d'autant plus vrai en France, car la population ne distingue pas le soutien à son armée des raisons politiques de l'engagement de cette dernière.

Les Américains, a contrario, supportent infailliblement leurs "boys" malgré les atermoiements des dirigeants politiques pour justifier l'engagement en Irak de 2003 par exemple.

Comme en Indochine, l'opération en Afghanistan a été décidée par un gouvernement élu démocratiquement. Cette mission a été validée par un débat parlementaire après les quatre premiers mois d'engagement. De plus, l'intervention en Afghanistan est mandatée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Il est difficile, de nos jours, de trouver une plus large légitimité.

Les deux opérations ont été et sont menées sans l'apport du contingent. En Extrême-Orient, ce sont les troupes coloniales et la Légion étrangère ; la guerre en Afghanistan est conduite par la jeune armée professionnelle composée de volontaires. Cet argument avancé dans les deux cas pour expliquer la distanciation n'est pas recevable, car ce sont bien des fils de France qui se battent au nom du peuple français. Considérer l'inverse reviendrait à dire que l'armée française n'est pas une émanation de la nation.

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Un syndrome indochinois prend donc bien forme pour nos troupes en Afghanistan. L'élément le plus probant se situe au niveau des responsables politiques qui peinent encore à expliquer cet engagement. Or la pérennité de notre engagement conditionne son efficacité. En outre, l'appui du peuple est vital pour nos forces armées, en particulier dans le domaine psychologique au moment du retour. Le docteur Claude Barrois explique que l'approbation collective constitue un gage majeur de la réintégration pleine et entière des soldats de retour d'opération. Cela permet d'éviter un décalage entre des soldats marqués par un conflit mené au nom de la Nation et un pays qui ne s'en préoccupe guère.

L'ignorance et l'oubli sont deux prodromes des crises à venir. Nos dirigeants doivent donc poursuivre leurs efforts d'explication sur notre implication dans la résolution du conflit afghan. Cela permettra aussi de ne pas oublier que le régime taliban, autrefois en place, fut un sanctuaire du terrorisme international.

Cette guerre est bien celle de la France. Il serait paradoxal que la population afghane soutienne de plus en plus la présence de la coalition lui apportant une certaine sécurité, pendant que les opinions des pays engagés se soucient de moins en moins de leurs soldats.

Le caporal Eric vit cela au jour le jour depuis qu'il est retourné en Afghanistan. Il appréhende un peu son retour, alors aidons-le à ce moment, pour lui témoigner le soutien du peuple français et lui permettre de continuer à porter fièrement les armes de son pays.

Antoine Fleuret, chef de bataillon, commandant de l'armée de terre.

 

À l’inverse de ses voisins européens, la France vit la guerre en Afghanistan avec un certain détachement

Le croirait-on ? La France est engagée dans une guerre. Pourtant, le conflit afghan suscite surtout l’indifférence de la population, qui ne s’est jamais mobilisée sur cette question. Une apathie paradoxale, car l’opinion publique est majoritairement hostile au conflit : d’après une étude réalisée par l’Ifop pour L’Humanité début juillet, 70 % des personnes interrogées se déclarent opposées à l’intervention en Afghanistan.

« C’est un sujet qui ne passionne pas les foules, reconnaît Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l’Ifop. Le conflit paraît lointain et le volume de forces engagées est faible. » De plus, comme l’explique Didier Billion, chercheur et spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « l’émotion de l’opinion publique est aussi liée au nombre de décès ». Or là, il y a des morts, certes, mais au rythme d’environ un par mois. Ils passent donc presque inaperçus.

Les intérêts nationaux ne sont pas directement en jeu : il ne s’agit plus de défendre, comme lors de la Première Guerre mondiale, « la ligne bleue des Vosges », mais d’endiguer le terrorisme et d’implanter la démocratie. Ces enjeux, plus flous, n’empêchent pas nos voisins de se passionner pour cette guerre.

Le lien entre le peuple et l’armée a changé

En Allemagne, sous l’impulsion des Grünen (les Verts), le conflit est devenu l’un des sujets majeurs du débat public, tandis qu’en Grande-Bretagne, chaque décès de soldat donne lieu à une cérémonie très médiatisée. Aux Pays-Bas, le gouvernement est même tombé en février, mis en difficulté sur la question du maintien des troupes néerlandaises.

En France, le lien entre le peuple et l’armée a changé. L’empathie qui existait lorsque les conscrits étaient mobilisés a disparu. Une conséquence indirecte de la professionnalisation des armées, décidée par Jacques Chirac en 1996.

« On considère aujourd’hui que les soldats envoyés au combat sont des professionnels, que c’est leur métier », rappelle Patrick de Gmeline, historien militaire et auteur de Se battre pour l’Afghanistan : soldats de montagne contre les talibans. « Ce n’est pas un phénomène nouveau : en Indochine, on avait envoyé le corps expéditionnaire, et tout le monde en France s’en désintéressait. »

Un conflit absent du débat public

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En outre, le conflit afghan brille par son absence dans le débat public. La faute à « une forme de gêne de la classe politique », explique Louis Gautier, professeur de science politique à l’université Lyon III et spécialiste des questions de défense.

« Les partis de gauche comme de droite sont englués dans une succession de décisions prises par les uns et les autres, qui a abouti à une sorte de consensus autour de l’idée du “ni renfort, ni retrait”, ajoute-t-il. Même s’ils sont persuadés que notre poids dans ce conflit est infime, cette position n’est pas tenable indéfiniment. »

Avec un débat politique réduit au strict minimum, les divergences entre partis sont inaudibles. « La guerre en Afghanistan aurait pu devenir un cheval de bataille pour la gauche, estime le chercheur Didier Billion. Mais le PS reste ambigu sur cette question en ne demandant pas le retrait des troupes. S’il le faisait, on l’accuserait de manquer de solidarité avec le reste des pays engagés, et on attendrait des solutions. Le PS risquerait d’être perdant à tous les coups. »

Pour mobiliser l’opinion, il faudrait "une attention médiatique plus importante"

L’intérêt des Français pour le conflit pourrait rester à un faible niveau encore longtemps. Pour Jérôme Fourquet, deux éléments permettraient de mobiliser l’opinion : « Soit une attention médiatique plus importante, soit une hausse de l’intensité du conflit. Si la situation ne s’aggrave pas, je ne crois pas que les Français y seront plus attentifs. »

À l’inverse, Louis Gautier est convaincu que le sujet va rebondir en 2011. « Obama va préciser son calendrier, et la question du retrait sera sans doute posée aux candidats à la présidentielle. » Un événement qui n’a jamais cessé de passionner les Français.

journaliste a lacroix Guillaume PAJOT

Au vu de la place que prend le dossier afghan dans les médias, chaque sondage sur la question est à prendre avec des pincettes.

Pour dire les choses clairement, il n’est pas certain que les enjeux de ce conflit soient bien compris, au point que, récemment, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde, le commandant Antoine Fleuret parlait de « syndrome indochinois » au sujet de l’engagement militaire en Afghanistan, en insistant sur le « désintérêt » des français, qui s’expliquerait « par les difficultés de compréhension des motifs de notre présence sur place ».

Cela étant, un sondage Ifop réalisé les 8 et 9 juillet auprès de 955 personnes et qui va paraître dans l’Humanité – un quotidien qui ne cache pas son hostilité aux opérations de l’Otan sur le théâtre afghan – près de 70% des Français se sont déclarés opposés à l’intervention militaire française en Afghanistan, 29% s’y disent favorables et 1% ne se prononcent pas.

Selon l’IFOP, le soutien de l’opinion française aux opérations de leur armée en Afghanistan ne cesse de s’éroder depuis octobre 2001. A cette époque, ils étaient 55% à y être favorables, 44% y étaient opposés. En août 2009, la tendance s’était inversée, avec 64% de personnes défavorables.

En décembre dernier, un autre sondage IFOP, réalisé cette fois pour le quotidien Sud Ouest, indiquait que 82% des personnes interrogées étaient hostiles à l’envoi de renforts militaires français en Afghanistan.

L'Armée française dans la guerre d'Indochine (1946-1954): adaptation ou ... lien des pages du livre

Par Maurice Vaïsse,Alain Bizard

Soldats d'Afghanistan, le sentiment d'être oubliés

Les troupes françaises sont engagées en Afghanistan depuis le début des années 2000. Une opération à risques, qui fait régulièrement des morts. Pourtant, ici, l'affaire fait peu de bruit

Soldats d'Afghanistan, le sentiment d'être oubliés

Les troupes françaises sont engagées en Afghanistan depuis le début des années 2000. Une opération à risques, qui fait régulièrement des morts. Pourtant, ici, l'affaire fait peu de bruit

Des soldats français du 13e Bataillon de Chasseurs Alpins en patrouille près de Tagab, dans la province de Kapisa, le 7 janvier 2010 (SAGET /AFP).

Vingt et un juillet 2009. Quatre véhicules blindés, dont un VAB sanitaire, roulent dans la poussière sur la route qui traverse la vallée de Tanguy. Une route unique. Une route dangereuse. Sébastien Sicard, médecin militaire du 126e régiment d'infanterie, 32 ans, occupe la place du passager, dans l'ambulance banalisée.

Debout dans la tourelle blindée, il scrute les versants de la vallée, essayant de détecter une possible présence ennemie. Il ne voit pas les talibans, cachés derrière les rochers, qui attendent le convoi. Il ne voit pas non plus l'IED (engin explosif artisanal), relié à un détonateur, qu'ils ont placé sur la route.

C'est le troisième véhicule qui est pris pour cible, le sien. L'explosion est terrible. Ses deux brancardiers sont touchés, dont l'un gravement. Le jeune médecin, lui, est éjecté de l'ambulance : des dizaines de blessures et de fractures ; un pronostic vital sur le fil ; dix jours de coma artificiel.

Sébastien est finalement transféré à l'hôpital militaire de Percy, en région parisienne, pour des soins intensifs. Pendant quatre mois, il ne quitte pas l'hôpital. Un an après « l'accident », Sébastien marche toujours avec des béquilles. Les médecins n'ont pas su lui dire s'il pourra retrouver une «vie normale» : conduire, faire du vélo, nager... Il faut attendre. Une seule certitude : le médecin militaire ne retournera jamais dans une zone de combat.

"C'est très rare qu'un médecin soit blessé en opération"

Quand il est sorti de l'hôpital, Sébastien a demandé si l'accident avait eu un retentissement en France. Rien. Pas une ligne. « Ma famille a été étonnée qu'aucun média ne relate les faits, se souvient ce père d'une fillette de 2 ans. C'est très rare qu'un médecin soit blessé en opération. Le dernier à l'avoir été, c'était il y a plus de dix ans...

Les médecins sont censés être moins exposés que les soldats. S'ils commencent à être touchés, c'est que la situation est grave et qu'il faudrait peut-être commencer à en parler. Ceux qui se battent là-bas ont parfois le sentiment d'être oubliés. »

Sébastien a conscience d'être un miraculé. Les risques du métier, pourtant, il connaissait. Il dit qu'il ne s'est pas engagé pour « distribuer des roses ». Ni pour en recevoir. L'armée lui a remis un certificat portant la mention : « blessé de guerre ». De guerre.

« On est censés aider à la reconstruction de l'État afghan, mais on subit pas mal d'attaques, poursuit le médecin. En théorie, nos objectifs sont clairs. En pratique, c'est plus compliqué. Nous devons former l'armée nationale afghane. Mais dans cette armée, il y a des déserteurs, passés du côté des talibans. D'autres, parce qu'ils sont menacés, divulguent des informations aux insurgés. D'autres enfin, parce qu'ils vivent dans un grand dénuement, viennent chercher dans l'armée une sécurité matérielle. On trouve une multitude de garrots au marché noir... La corruption est endémique. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. »

« On évite de penser au pourquoi. On se concentre sur ce qu'on doit faire là-bas »

Depuis que, à la demande des Américains, la France multiplie les missions « OMLT » (operational Mentoring and Liaison Team, soit équipe de liaison et de mentorat opérationnel) auprès de l'armée afghane, les attaques se sont faites plus nombreuses. En 2004, la France a perdu trois hommes en Afghanistan.

En 2005, deux. Trois encore en 2007. Mais en 2008, onze morts, dont la plupart dans l'embuscade de Surobi. Puis, onze morts encore en 2009 et déjà 9 tués, presque un par mois, depuis janvier dernier. Sans compter les blessés : plus de 220 depuis le début du conflit, selon la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (Cabat). « On évite de penser au pourquoi, lâche Sébastien. On se concentre sur ce qu'on doit faire là-bas. »

L'adjudant-chef Franck Chemin, 47 ans, membre du 2e régiment étranger du génie, essaye de ne pas se poser de questions non plus. Il dit qu'il est soldat. Et qu'un soldat n'est pas censé discuter du bien-fondé d'une opération, si l'État l'a décidée. Les questions, c'est son père qui les posait : « Mais Franck, bon sang ! Qu'est-ce qu'on va faire là-bas ? » Ce spécialiste des déminages a 17 « opex » (opérations extérieures) au compteur. Il est parti pour son troisième séjour en Afghanistan en novembre dernier. « J'étais content de partir, assure-t-il. Il vaut mieux partir en mission que de rester au régiment ! »

"Quand on part, on sait que l'un de nous peut être ramené dans une boîte"

Son accident a eu lieu le 6 janvier, deux mois après son arrivée au poste de Nigrab. Son équipe ratissait un périmètre à la recherche d'armes cachées. Quand elles sont trouvées, les munitions sont détruites. C'est l'une d'elles, un obus chinois, qui a « déflagré » quand Franck a voulu le poser à terre. « Si l'obus avait fonctionné normalement, je serais mort coupé en deux », poursuit ce spécialiste des munitions. D'une certaine manière, Franck a eu de la « chance ». Amputé de la main gauche, il doit notamment soigner une fracture ouverte à la jambe droite.

Il se réveille cinq jours plus tard à l'hôpital Percy. Tous les deux jours, il doit descendre au bloc. Une vingtaine d'opérations, au total. « Les premiers mois, on ramasse », dit simplement ce père de deux enfants. Quand il est entré à la légion étrangère – « Ne me demandez pas pourquoi, ça ne se fait pas ! » – à l'âge de 17 ans, ce n'était pas par vocation. Mais Franck a appris à aimer l'armée. Sa femme, elle, n'a pas pu. Elle se tient à l'écart de la vie du régiment. Quand elle a su que son mari était blessé, elle a eu peur qu'il soit touché au visage.

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Aujourd'hui, elle se bat contre « le regard des autres ». Le regard curieux ou gêné, souvent inquisiteur, de ceux qui découvrent que Franck n'a qu'une main. « Certaines familles ont du mal à accepter l'engagement militaire, observe l'adjudant-chef. Nous, nous sommes conscients du danger. Quand on part, on sait que l'un de nous peut être ramené dans une boîte. C'est difficile. Mais c'est comme ça. »

« Mon métier de soldat se termine, constate-t-il. Mais je reste militaire »

Cette blessure, Franck sait qu'elle va changer sa vie. Indépendamment des dommages physiques irréversibles, il ne pourra plus exercer le métier qu'il aime : le terrain, l'« opex », le déminage. « Ce n'est pas le moment de s'écrouler, dit-il. Rien ne changera, maintenant. C'est moi qui dois changer. » Franck restera dans l'armée aussi longtemps que celle-ci lui fera « une place ». Il espère pouvoir se reconvertir dans l'instruction des plus jeunes. « Mon métier de soldat se termine, constate-t-il. Mais je reste militaire. »

De la même manière, le brigadier-chef Stéphane Rouffet, 33 ans, serait heureux de mettre son expérience au service des plus jeunes. Mais le terrain, pour lui aussi, c'est fini. « Mon métier est entre parenthèses. C'est ce qui me fait le plus mal. » Soldat au 35e RAP de Tarbes, Stéphane a été grièvement blessé le 27 septembre 2008 dans la vallée de Kapisa. Il était auxiliaire sanitaire : le secouriste de la section.

Ce jour-là, il accompagne le 8e RPIMA et le 17e RGP dans leur mission : rechercher les caches d'armes, prendre contact avec la population, « faire de la présence ». Les tirs, en provenance d'une maison en surplomb, ont surpris les soldats quand ils entraient dans le village. Coincés dans un «ouabi», une rivière asséchée, ils sont à découvert. Il faut se replier. Et riposter.

Stéphane est touché à la jambe par des éclats des roquettes. Il pose lui-même un garrot. Avant d'apporter les premiers secours à ses camarades blessés. Deux chars de la Légion étrangère viennent en appui. Les deux régiments s'extirpent enfin de la nasse. Bilan : sur 39 hommes, 18 blessés.

Le décalage entre la saga des Bleus et le silence médiatique autour du 44e mort français

Le brigadier est transporté à l'hôpital de Bagram, puis à celui de Kaboul. Avant d'être évacué au Val-de-Grâce, à Paris. Après le fauteuil roulant, les béquilles. L'embuscade a eu lieu il y a deux ans ; comme ses camarades, Stéphane ne sait pas s'il pourra récupérer sa jambe à 100 %. À son retour, il a été surpris par le peu d'intérêt suscité par cette « vraie guerre » menée par son pays dans cette région lointaine.

Son camarade Steeve Cocol, brigadier au 1er régiment d'artillerie, est tombé là-bas, le 18 juin dernier, victime d'un « tir insurgé ». En pleine Coupe du monde de football. Stéphane n'a pas supporté le décalage entre la saga des Bleus, suivie en direct par des millions de Français, et le silence médiatique autour de ce 44e mort français en Afghanistan : « Ce jour-là, des hommes n'avaient pas respecté le drapeau et on parlait d'eux 24 heures sur 24, tandis que d'autres, tombés au même moment pour ce drapeau, étaient superbement ignorés. Où sont ces valeurs dont nous parle sans cesse le président de la République ? »

Le bien-fondé de l'engagement de la France aux côtés des alliés en Afghanistan, un conflit qui s'enlise depuis près de dix ans, Stéphane ne veut pas en parler. « On vous donne une mission, vous devez la remplir, tranche-t-il. Si vous avez des états d'âme, ce n'est pas possible. Et puis par respect pour mes camarades tombés au combat, c'est une question que je refuse de me poser. Je ne veux pas qu'ils soient morts pour rien. »

Solenn DE ROYER

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