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Le nouveau concept de l'armée de terre pour l'après-Afghanistan

 

 

Le mot a été lâché par un haut responsable de l'armée de terre : "betteravisation" ! Comprendre : retour à la terre bien de chez nous, après les années expéditionnaires. L'armée de terre se trouve aujourd'hui confrontée à un grand défi : comment gérer l'après-Afghanistan, alors que tout le monde craint des nouvelles coupes budgétaires ?

 

Sauf coup de théâtre géopolitique, l'ère des opex à haute intensité semble en train de s'achever. Elle avait commencé avec la guerre du Golfe, puis les Balkans, l'Afghanistan et l'Afrique toujours. En 1996, lors de la professionnalisation, l'armée de terre avait été reformatée dans une logique expéditionnaire - une sorte de Marines Corps à la française, expliquait-on à l'époque. Les résultats ont été excellents et sur tous les théâtres, si différents soient-ils, l'armée de terre a montré qu'elle était très professionnelle et jouait dans la très petite cour des Grands. Mais la page se tourne : on ferme l'Afghanistan, les Balkans sont derrière nous, comme la Cote d'Ivoire et le Tchad.

 

 

Faute de perspectives extérieures à moyen terme et pour sauver les meubles autant que possible, en termes d'effectifs, de crédits et d'équipement, l'armée de terre entend aujourd'hui se recentrer sur le territoire national, et même sur la cohésion sociale. Deux hommes sont particulièrement sensibles à cette problèmatique : le général Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre et le général de Villiers, major génénral des armées.

Revenir au territoire national n'est, évidemment pas, s'engager dans des problématiques de sécurité intérieure. L'armée n'est pas là pour faire la police, et chacun s'en félicitera. C'est plus l'idée d'être capable de gérer des crises importantes - et tout le monde a eu tête Fukushima, lorsque l'armée japonaise a mis plusieurs dizaines de milliers d'hommes sur le terrain en quelques jours. Or, en l'état actuel de son contrat opérationnel, l'armée de terre doit fournir 10.000 hommes, pas plus... En cas de crise grave, notre pays manque de moyens civils de commandement et de planification, et de forces susceptibles d'opérer dans la durée et dans un contexte dégradé. Le ministère de l'Intérieur n'est, clairement, pas dimensionné pour cela. Les responsables politiques et la population se tourneraient alors naturellement vers l'armée, l'Ultima ratio regis. Les chefs militaires considèrent que, si, dans une telle situation, l'armée était mise en échec, elle ne s'en relèverait pas... aux yeux de l'opinion et des responsables politiques. "Traquer le barbu", comme dit un militaire, est une chose - venir en aide à son pays en est une autre. C'est autour de ses reflexions que l'armée de terre veut s'inscrire dans la perspective du prochain Livre blanc et de la loi de programmation. Elle s'inspire du concept de "maritimisation" de la Marine : la cause de la marine et de l'industrie navale dépasse les seuls intérêts de l'armée de mer, pour s'inscrire dans le cadre plus global de la Mer.

 

 

 

Le retour d'Afghanistan ne va pas être simple à gerer. L'armée y a connu des grandes heures et les militaires ont eu le sentiment, à juste titre, d'y faire leur métier. La perspective d'y partir était très motivante, après une opex en Afrique et avant un séjour outre-mer. Et demain ? Canjuers ? Mourmelon ? Suippes ? Caylus ? La Courtine ? Nettement moins exaltant et également moins rémunérateur. Car les soldes opex ont mis, depuis de longues années, pas mal de beurre dans les épinards des militaires. Mécaniquement, moins d'opex signifiera moins de pouvoir d'achat pour les militaires. Ce ne sera pas bon pour le moral. Surtout si, faute de crédits, on réduit l'activité (moins de jours sur le terrain, moins de munitions, du matériel qui fonctionne mal, etc). Le ministère de la Défense en est conscient. "Alors qu'on fait rentrer l'armée de terre au bercail, nous devons être extrêmement attentifs au fait qu'elle conserve les moyens de maintenir son niveau d'activitéé. Or, ce n'est pas gratuit.

L'armée de terre pourra-t-elle conserver ses effectifs actuels ? Radio-popote parle de la suppression de deux des huit brigades interarmes et d'une réduction d'une vingtaine de milliers d'hommes. L'inquiétude est là... et les réponses ne viendront pas avant la loi de programmation militaire, qui ne sera pas votée avant près d'un an. Pour l'instant, le ministère de la défense s'en tient à l'actuelle loi de programmation, soit une déflation d'environ 8000 personnels (toutes armées) au cours des deux prochaines années.

Mercredi 27 Juin 2012
Jean-Dominique Merchet

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