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EN ALGÉRIE, AUSSI,ON A SOUFFERT. »
Sur demande du président départemental, j'ai rencontré Marcel Le Sourd, blessé par balle en Algérie le 19 août 1954, adhérent
de la première heure et porte-drapeau de la section de Sérent, dont je suis le président. J'ai recueilli son témoignage puis, avec le président
départemental, nous avons co-écrit ce texte en respectant le récit de Marcet conformément à son souhait de conserver sa vérité
foce aux évènements vécus, Certaines formulations, certaines appellations sont volonta irement modifiées aFin de ménager les susceptibilités,
plus de 50 ons après.1954.« Après une rude jeunesse passée à la ferme  familiale de la Ville Guého.je passe devant le conseil de révision à la
mairie de Malestroit. comme tous les jeunes de mon age. En 1955.je rejoins le centre de sélect ion de. Guingamp: je suis dans les premiers à passer cette sélection. c'est nouveau.les classes précédentes n'y étaient pasconvoquées. Et le 19 octobre 1955, je suis appelé sous les drapeaux, je rejoins le
6 Régiment du Génie à Angers pour y faire mes classes pendant six mois.Le 1- avril 1956, comme tous les copains.je prends la direction du DTI de Marseille.Deux jours  plus tard. j'embarque sur le Ville d'Oran et débarque à Alger. le 3 avril. Le lendemain , pas de repos, je prends la direction
de Sétif, puis de Taheren Kabylie.

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le ville d' Oran

LE 6 AVRIL 1956,J'arrive  DANS LE BLED _,une vieille ferme isolée dans les rochers et desservie par une piste en très mauvais étal.J'ai 22 ans: dans ce premier poste.pas le temps des'ennuyer, opérationnel dès le premier jour: patrouilles,ratissages. gardes sous le commandemenl du lieutenant Lieure. Je ne me pose pas de question. j'obéis aux ordres de mon lieutenant Le 3/  2 RIC est un régiment d·avant-garde. car nous sommes présents. jours et nuits. sur le terrain. et parfois demandés en renrort par d'autres unités pour un petit coup de main.

Je me souviens d'un après-midi. où un accrochage venait d'avoir lieu,pas loin de notre cantonnement. Très rapidement,nous arrivons sur les lieux. En
quelques minutes. nous Comprenons la gravité de la situation. L'ennemi est nombreux.Il domine la situation. Il a l'avantage du terrain.le coup est bien préparé. L' accrochage.commencé avant notre arrivée, dure longtemps.L'ennemi décroche progressivement.Très vite nous découvrons la casse: quinze
morts dans nos rangs et plusieurs blessés.Certains gisaient ça et là dans les herbes épineuses et les pierres qui auraient dû les protéger. Tous des copai ns. mes copains.La plupart étaient dévêtus. l'ennemi leur avait dérobé leurs treillis, leurs chaussures,leurs armes avant de s ' enfuir. L'ennemi laisse deux morts sur le terrain ; les autres,ainsi que les blessés. avaient probablement été emmenés avant l'arrivée des paras appelés en renfort

Terrible journée. difficile à vivre à 22 ans.Nous ramenons nos mons dans les GMC jusqu'au cantonnement. en pleurJnt et jurant de se venger.

POURTANT, NOTRE MISSION DOIT CONTINUER. Peu de jours après, nous sommes présents dans les gorges de Palestro et de Kerratha

Au mois de mars 1957,je suis muté et rejoint Akbou.PC de notre unité. Notre cantonnement se trouve à Genzet commune de l' A It·Rezine. Toujours le même scénario : embuscades, ratissages,patrouilles ... en gros,les mêmes occupations et.le même bordel .

Le 19 août 1957, au cours d'une opération décidée quelques heures plus tot par les chef. ... nous allons dans le djebel situé à quelques
kilomètres de chez nous. Arrivés sur zone, les camions s'immobilisent le temps nécessa Îre au débarquement Là. une SUJ1,riscnous nuend. En cours de débarquement des
camions. les rurales d'annes automatiques claquent. Pus le temps de se mettre à l'abri.On nous tire dessus comme des lapins. Ce
coup-Ià aussi est bien préparé ...SURPRIS PAR l'EMBUSCADE, chacun essaye de se protéger comme il le peut. Les uns derrière les véhicules. les aUlres dans les trous des talus, mais le reu ennemi est intense, notre position est loin d'être la meilleure ... Me croyant à l'abri,je charge tout de suite mon lance-grenades pour raire taire ces rafales qui me semblent à portée de tir. Malheureusement, très vite repéré.je n'ai pas le temps d'envoyer une grenade.Je ressens un choc suivi d'une douleur violente à la cuisse droite. Je viens de prendre une balle. Elle a traversé la cuisse de l' avant à l'arrière.Devant celle situation. je ne panique pas.J'enlève ma grenade du bout du fusil, puis engage un chargeur que je vide rapidement en direction des attaquant ... La blessure devient de plus en plus douloureuse.Je ne peux plus me déplacer. Ma jambe est comme paralysée.

« Terrible journée, difficile à vivre à 22 ans. Nous ramenons nos morls dan, le, GMC ju'qu' au cantonnement,en pleurant et jurant de se
venger. »


LES COPAINS SE RENDENT compte que je suis blessé, ils préviennent l'infirmier  Ce dernier arrive aussitôt et après un rapide examen de mon état, me donne les premiers soins d'urgence : une piqûre pour aténuer la douleur.Pendant ce temps, le feu de l'ennemi est toujours intense et mes copains continuent à tirer copieusement sur un ennemi toujours invisible,Les tirent cessent. L'infirmier est resté à mes côtés. Il a de la chance, et moi aussi. car il n'y pas d'autre blessé. Dans le cas contraire,il n'aurait (KIS pu stopper l'hémorragie,car je suis resté trois heures sur le terrain,Apres l'acrrochage, l'état des lieux permet de constater  qu'il n'y a pas de dégât chez l'ennemi: pas de morts, pas de blessé laissé sur le terrain, Pour moi l'attente est  longue.Je suis entouré de l'infirmier et des copains qui me remontent le moral. Ils parlent de mon évacuation, qui semble poser quelques problèmes. Je comprends immédiatement :la nuit approche, l'hélicoptère ne peut  pas venir me chercher. Mon évacuation  sc passe par ambulance, mais il faut ouvrir la route qui peut êlre minée. La route  est longue, le confort n'est pas d'actualité. mais j'arrive enlin à l'infirmerie  d'Akbou où des soins complémentaires me sont donnés avant de passer une terrible nuit.JE SUIS Transféréa À BOUGIE, puis à Sétif. où je reste quelques semaines. Beaucoup de docteurs m·examinent. On m'évacue sur Alger en vue de mon transfert  à Marseille.De Marseille je prends le train  pour Paris.puis pour Nantes. Ces nombreux dép[acements me fatiguent l énormement . J' ai des difficultés à marcher, surtout pour monter et descendre les escaliers. Les semaines en convalesence a l 'hôpital militaire de Nantes me remonte le moral  car je ne suis pas loin de Sérent.je suis bien soigné. Je profite, enfin  d' une permission d'un mois et demi.Pour retrouver ma famille à Sérent. Je souffre toujours autant. Je n ai pas d autre solution que de supporter cette blessure.J' en  ai marre de cette situation. Je sais bien qu'un jour je dois repartir là-bas.A l'ISSUE De Congés qui m'ont redonné un peu le moral.je reprend~ ma valise pour rejoindre mon régiment Comme la première fois. direction Marseille puis Alger. Mais là. compte tenu du peu de temps qu'i l me reste à faire. retour à Nantes pour être libéré de mes obligations militaires, le 13 decembre  1957, "après 26 mois au service de ma patrie. Pour être honnête, je l'attendais depuis longtemps cettee libération.À la suite de cette  blessure au combat, et peut-être au regard de mon sang froid face à l'ennemi,j'ai reçu une citation à l'ordre de la brigade avec attribution de la croix de [a valeur militaire avec étoile de bronze. Moi.Marcel Le Sourd, cultivateur à la ferme familiale de Sérent,j'ai été décoré par le généra Giraud , commandant de la 19" DI dela zone ouest du Constantinois.

RETOUR À LA VIE ClVILE  RETOUR DIFFICILE. Je passe des examens médicaux. beaucoup d'examens afin de définir le taux de handicap qui précède une pension d' invalidité à vie. Ils n' ont pas été généreux: 25 %. La blessure est toujours presente. la douleur n'est pas prise en compte. Je souffre énormément.Par période. je ne peux pas me déplacer. Malgré cela.je me dis quej'ai eu de la chance.je suis vivant La balle est passée a quelques millimètres de l'artère fémorale sinon avec l' hémorragie et les délais d·évacuation ... j'aurai pu y rester comme beaucoup de mes copains. ,.