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Lettre de l’ASAF 11/01

« Ne pas subir »

(Maréchal Jean de Lattre de Tassigny)

 

Médias et  guerres asymétriques. 

 

La liberté d’informer est un droit imprescriptible de nos démocraties. Les pays où elle peut s’exercer librement représentent à peine un tiers des états membres des Nations Unies. Elle constitue un formidable atout de nos systèmes politiques, indispensable élément d’ouverture et de connaissance, condition essentielle des choix démocratiques, et inestimable garantie contre les abus et le retour des dictatures.

Autant dire qu’elle doit être protégée contre vents et marées. Mais cette liberté d’informer a un prix. Ceux qui ont la charge et le privilège de la mettre en œuvre ont en effet la responsabilité éthique et morale d’en faire bon usage. C’est d’autant plus vrai que le pays est confronté à la menace d’une crise économique et sociale majeure et que ses forces armées sont engagées dans une guerre difficile en Afghanistan et au Sahel, contre un ennemi dont les repères moraux, religieux, politiques et sociaux sont à des années lumière des nôtres.

En d’autres termes, aujourd’hui plus que jamais, il est important de résister à la dictature du tirage ou de l’audimat qui privilégie d’abord l’émotion, le sensationnel, la démagogie ou le voyeurisme et donne une image biaisée des enjeux et de la réalité. Sans compter que l’obsession du scoop contribue parfois à mettre nos forces en difficulté, faisant la part belle à leurs adversaires, dont il arrive qu’on brosse un tableau scandaleusement positif.

Cette tendance est vécue comme une véritable trahison par un nombre croissant de Français.

Tout le monde garde en mémoire le sordide reportage de Paris Match, réalisé peu après le combat d’Uzbin, qui coûta la vie à 10 militaires français. Nos concitoyens l’ont unanimement condamné tant il était insultant pour nos soldats. Les terroristes, dont on connaît pourtant la cruauté et qui tiennent lâchement  en otage leur population, étaient présentés sous un jour honteusement flatteur.

De retour en France, les militaires du 8e R.P.I.Ma, durement éprouvés par la mort au champ d’honneur de huit de leurs jeunes frères d’armes, avaient mal vécu l’insidieuse polémique lancée par de faux experts convoqués par les médias qui glosaient à perte de vue sur la jeunesse des paras, leur insuffisante préparation, la faiblesse de leurs protections et la responsabilité de leurs chefs.

Récemment encore, nombre de médias ont relayé une polémique sournoise, sur les conditions exactes de la mort d’un des deux jeunes Français pris en otages au Sahel, allant jusqu’à mettre en cause non seulement la décision prise par la France, mais également les forces qui ont mené l’opération.

Preuve d’une approche démagogique de ces affaires d’otages, certains médias laissent parfois croire que les terroristes pourraient généreusement libérer nos deux journalistes retenus en Afghanistan ou qu’ils épargneront les touristes capturés au Sahel, alors que ces prisonniers constituent à la fois une monnaie d’échange politique (les dernières menaces d’Al Qaïda le montrent) et l’instrument d’une formidable propagande à laquelle se prêtent complaisamment les médias français.

Ce travail de sape quotidien, sous couvert de libre information, mine l’opinion publique en instillant le doute et la lassitude. A terme, cette complicité pourrait même être de nature à infléchir la politique française pour un coût dérisoire.

En définitive, ce que l’on entend et voit dans nos médias sur ces conflits ne sert-il pas davantage nos adversaires que nos forces ? Est-il acceptable que les communiqués d’AQMI, entreprise criminelle par excellence, soient diffusés au même titre que ceux des responsables de la nation?

N’est-il pas consternant de voir que certains médias ne mettent pas en cause les preneurs d’otages assassins des deux jeunes, mais plutôt les soldats français qui ont risqué leur vie pour les libérer ? On pourrait même aller plus loin et s’interroger s’il est légitime qu’au nom de la libre information et de l’objectivité on se laisse aller à traiter sur le même plan, nos forces et les meurtriers de l’organisation terroriste d’AQMI.


Toute la nation doit participer à cette nouvelle guerre de 30 ans : il en va de sa liberté, de sa sécurité et de son honneur. Affichons donc clairement notre détermination en honorant comme il se doit les soldats tombés pour nous dans ces guerres qui ne veulent pas dire leur nom.

Au passage, les professionnels de l’information seraient également bien inspirés de résister au corporatisme qui semble faire de leurs collègues journalistes victimes des terroristes ou des Talibans, une caste à part, digne de la compassion particulière de la nation. Alors que les soldats français, pourtant envoyés en Afghanistan par la République, où ils sont engagés pour notre sécurité, n’ont droit, quand ils sont tués au combat ou blessés, qu’à quelques maigres entrefilets dans les journaux et à d’éphémères et laconiques brèves aux informations télévisées, y compris sur celles des chaînes de l’Etat.

Commémorer les soldats sacrifiés dans un combat pour notre sécurité avec au moins autant de constance et de recueillement que les journalistes chargés de l’information et victimes de leur métier ou que des touristes surpris au cours de leurs vacances, voilà qui serait la preuve que notre esprit de défense se porte bien, et que tous ensemble, nous sommes déterminés à ne pas subir la loi de la terreur.

Mais nous pourrions faire plus pour ceux qui sont morts pour notre sécurité. Pourquoi ne pas projeter la nuit, sur les piliers de l’Arc de Triomphe, le visage de ces soldats? Ils doivent être connus, reconnus et fièrement honorés par l’ensemble des Français ; leur mort n’est pas un fait divers, c’est un sacrifice accepté par et pour la France.

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