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Forces spéciales : 20 ans de secret

Le colonel Rosier, qui commandait le 1er RPIMa de Bayonne, avait reçu début 1991 le commandement du 1er groupement commando parachutiste (1° GCP), un groupement de 120 hommes formé autour d'un noyau dur du 1er RPIMa complété de 6 équipes CRAP (1er RHP, 2e REP, 3e et 6e RPIMa, 35e RAP). Le 1er GCP sera mis en place tardivement en février 1991, sans mission prédéterminée et avec un concept d'emploi à trouver sur place. 

   

Son témoignage bref mais précis sur le rôle des Forces spéciales dans l'opération Daguet a le mérite de la franchise, et sa conclusion annonce la création du Commandement des Opérations spéciales (COS) au lendemain de la guerre du Golfe : « l'expérience a prouvé que les moyens n'étaient pas à la hauteur de l'intention, en termes de capacité, d'autonomie et d'homogénéité ; le groupement engagé dans le Golfe n'a pu remplir que des missions de circonstance... »


 

Son chef opérations, alors le lieutenant-colonel Leclère, aujourd'hui président de l'association « Qui ose gagne », amicale des anciens parachutistes SAS et du 1° RPIMA, raconte par le menu le déroulement des opérations, cite le témoignage de ses commandos, leurs conversations et leurs états d'âme, et surtout leur incroyable enthousiasme et leur envie de foncer.

Le livre retrace, en amont de cet engagement, la participation des différents éléments des forces spéciales dont le 13e RDP et le 1er RPIMa, et leur rôle initial dans le détachement de liaison et de protection rapprochée de Daguet.

Vient ensuite la mise en place du 1er GCP, avec organigramme et photos de groupe : un véritable album de famille, équipe par équipe, complété de fiches techniques sur les groupes RAPAS et les équipes CRAP, leurs insignes, leur historique...

Le déroulement de l'action pendant l'offensive terrestre est décrit avec la même précision encyclopédique : photos de groupe, équipements, plans de déploiement, photo aérienne des cibles, croquis des journaux de marche, ordres graphiques, rien n'y manque et c'est cette précision qui fait la rareté du document : c'est la première fois que la mémoire des Force spéciales et en particulier du 1er RPIMa sont aussi librement exposées.

Parmi les photos, des documents exceptionnels : une double page montre le franchissement de la « falaise » marquant la frontière irakienne, le 23 février au matin, par le PC de la division Daguet escorté par les commandos du 1er GCP et précédés par des Hummer américains de la 82e Airborne, dans le secteur « Atala » ; plus loin ce sont des VLRA à l'assaut de Natchez...

Le cœur du témoignage est évidemment l'assaut à la citadelle d'as-Salman et l'incident survenu au cours de la fouille, avec l'explosion de deux sous-munitions (cluster bombs) qui feront deux morts et trois blessés, dont le colonel Rosier lui-même. Celui-ci, malgré sa blessure au dos, se redresse et donne ses ordres pour l'évacuation des blessés. Un moment très fort dont on perçoit l'intensité à travers les photos jamais publiées de Bernard Sidler, sur place dans la citadelle juste avant l'accident et qui montre le premier déploiement des commandos pour la fouille.

Des photos, justement, qui forment un cahier central du livre remarquablement mises en relief par un fond noir. Ancien photographe militaire de l'ECPA devenu reporter de presse, Bernard Sidler, immergé avec moi au 1er Spahis, avait gagné la confiance des commandos qui se trouvaient sur le même axe ouest, et avait pu les accompagner dès le deuxième jour de l'offensive terrestre. Témoin privilégié mais fidèle à sa parole donnée aux forces spéciales de respecter leur secret, il n'avait jamais depuis lors publié ses photos et a finalement accepté de les donner pour cet ouvrage « spécial ».

Après une description bien illustrée des opérations de pacification et dépollution à Koweït-City (où participaient également des équipes CRAP du 8e RPIMa et des Commandos de Marine), l'hommage aux morts et aux blessés du GCP, le témoignage sur « le retour des vainqueurs » en France en mars 1991, le livre se conclut sur un éclairage prospectif : le COS aujourd'hui – photos des combattants actuels mais forcément floutées – le 1er RPIMa, les techniques et les tactiques les plus récentes, tout ce qui fait que la devise du régiment « Qui ose gagne » conserve toute sa force et son efficacité.

Il faut au passage compléter l'hommage aux auteurs de cet ouvrage collectif et aux photographes pour le geste qu'ils ont fait en ayant décidé que les droits d'auteur de l'ouvrage iraient intégralement à l'Entraide parachutiste : non seulement le document est unique mais ses auteurs sont totalement désintéressés, ce qui ajoute à la crédibilité du récit.

Bernard Sidler à l'époque 

Bernard Sidler son site

Les FORCES SPÉCIALES FRANÇAISES dans la GUERRE du GOLFE 1991. Jacques Rosier, Etienne Leclère

Editions LBM – ECPAD - 192 pages, relié, 23x30 cm, 300 photos et illustrations, dont 50 photos inédites de Bernard Sidler. 32 €.