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Pour divertir ses soldats et attirer de nouvelles recrues, l'armée américaine peut comprer sur des troupes originales et efficaces:ses groupes de rock. Enquête le doigt de·la couture du treillis.

Nom: Kirk Kadish. Age: 56 ans. Nationalité: américaine. Instruments pratiqués: claviers et accordéon au sein des Volunteers. Répertoire: Chuck Berry, Lady Gaga, Led Zeppelin, Maroon 5, Foo Fighters, Pink Floyd... Signe particulier: monte sur scène en boots et tenue de camouflage. C'est sa tenue de travail ; Kirk Kadish est sergent-major dans les forces armées américaines. Son job: jouer du rock pour la bannière étoilée.

 

 

Quand on pense à la musique militaire, on se figure des képis rangés bien droits, trompettes au garde-à-vous. L'armée américaine dispose évidemment de cet article en magasin. "Mais les musiques de cérémonie ne correspondent pas aujourd'hui aux goûts de nos troupes", constate avec lucidité le colonel Thomas H. Palmatier, commandant de l'US Army Field Band. Pas besoin d'être un général quatre étoiles pour comprendre qu'une reprise des rockers de Foo Fighters sera toujours plus populaire auprès des boys que la marche "Stars and Stripes Forever". C'est pourquoi une partie des orchestres de l'armée des Etats-Unis -une centaine en comptant ceux de l'armée de réserve- dispose de sous-unités capables de jouer de la country, du rock, voire du hip-hop.

Ces "music performance teams", comme on les appelle dans le jargon kaki, ont pour nom de guerre Controlled Detonation, Sandstorm, Show of Force, Max Impact, Loud Noises, Night Fire ou The Woodchucks. De la poésie à l'état pur. Avec leurs riffs de guitare, ils regonflent le moral des troupes et participent aux campagnes de recrutement. Il n'est pas nécessaire de porter un uniforme pour assister à leurs concerts. Aux Etats-Unis -et parfois en Allemagne, où l'armée compte de nombreuses bases-, ils sont le plus souvent ouverts au public et gratuits.

Dès 1777, le général George Washington (1732-1799), lui-même flûtiste à ses heures, estimait que "rien n'est plus plaisant et agréable que la bonne musique". Dans la première armée du monde, on ne plaisante donc pas avec ça. Le fonctionnement de ses orchestres fait l'objet de l'un des 542 manuels -le FM 12-50 pour être précis- dont est dotée l'armée pour encadrer ses effectifs. Dans une version datée de juillet 2010, leur rôle y est très clairement défini: "Inculquer à nos forces la volonté de combattre et de gagner, favoriser le soutien de nos citoyens et promouvoir les intérêts américains dans nos frontières et à l'étranger." Tout cela a un prix. L'armée de terre investit 200 millions de dollars par an dans la musique. Elle est le plus grand employeur de musiciens de tout le pays, avec plus de 4 000 soldats-musiciens. Sans compter les groupes de la Marine et de l'Air Force.

Fiers de servir la patrie avec leurs instruments

Et le rock, dans tout ça ? L'un des champions du genre au sein de l'armée de Barack Obama s'appelle The Volunteers. Créé en 1981, le groupe appartient à l'US Army Field Band. Stationnés à Fort Meade, en Virginie, ses six musiciens viennent de boucler une série d'une trentaine de concerts dans le sud des Etats-Unis. A l'aéroport de Dallas-Fort Worth, au Texas, ils ont ainsi chanté pour un contingent de 250 GI en partance pour le Moyen-Orient. Ils ont aussi donné des concerts gratuits dans des lycées et joué dans des maisons de retraite pour vétérans. Ces rockers en treillis passent au moins cent jours par an sur les routes des Etats-Unis. Et ils partent régulièrement à l'étranger. En février 2012, le groupe a ainsi effectué un séjour de dix jours au Koweït. "Nous choisissons nos titres en fonction du public, précise la chanteuse April Boucher, 38 ans, sergent de première classe. Nous pouvons aussi bien jouer du Dr. Dre, que Pat Benatar ou Johnny Cash. Ma reprise préférée ? "Set Fire to the Rain", d'Adele." Le répertoire des Volunteers est le reflet de ce qui passe à la radio. Cependant, ils ont renoncé au tube "Pumped Up Kicks", de Foster the People, trop violent selon eux.

Tous les soldats-musiciens entonnent en choeur le même refrain: oui, ils sont fiers de servir ainsi la mère patrie. Le contraire eût étonné. Surtout, ils bénéficient d'un salaire fixe, d'une bonne couverture médicale et sont assurés de toucher une pension au bout de vingt ans de services. Peu de musiciens civils peuvent en dire autant. Envie de postuler ? La sélection est draconienne. "Nous passons des annonces dans la presse spécialisée, indique le sergent-major Kirk Kadish. Les candidats nous envoient un CD, un CV et une lettre de motivation. Puis, nous auditionnons chaque personne sélectionnée avec le groupe." Une fois retenu, il faut s'engager sous les drapeaux et suivre un entraînement au combat.

Diminuer la peur, le sentiment de solitude...

Car, tôt ou tard, les groupes sont amenés à partir au front. "Il a été prouvé que les concerts dans les zones de combat diminuent le stress et les sentiments de peur et de solitude au sein des troupes, précise le colonel Palmatier. Comme on ne va pas envoyer un orchestre symphonique dans un avant-poste isolé d'Afghanistan, ces groupes de rock sont les seules formes de diversion sur les lieux de conflits." Pendant la guerre du Vietnam, la division divertissement de l'armée américaine pouvait programmer sur une base arrière des stars "civiles" comme James Brown pour faire danser les soldats. La nature de la guerre ayant évolué, il faut désormais préparer les musiciens à un danger permanent. "L'effet est encore meilleur sur les soldats quand ils découvrent que ce sont leurs camarades qui jouent sur scène", ajoute le colonel.

Tous les genres de musique sont les bienvenus. En Irak, des musiciens de la 3e division d'infanterie, basée près de Tikrit, se sont regroupés pour former The Four Horsemen of Arockalypse, la seule et unique formation de heavy metal de l'armée américaine. "Ces quatre jeunes ont monté ce groupe en dehors de leurs heures de service, se souvient l'officier Franck Barlow. Nous avons apprécié ce qu'ils faisaient et nous avons décidé de les envoyer jouer dans les bases du pays." Aux Etats-Unis, où le spectacle est roi, rien d'étonnant à ce que l'armée utilise les mêmes ressorts qu'une chaîne de télévision pour motiver ses hommes. Le Pentagone a ainsi lancé Operation Rising Star sur Pentagon Channel, un télé -crochet réservé aux militaires ou à leurs proches, calqué sur le modèle d'American Idol. En 1971, l'armée organisait déjà un concours de groupes de rock pour ses boys basés en RFA.

Si un soldat a du talent, l'armée peut lui servir de rampe de lancement. Réserviste de l'Air National Guard dans le Missouri, Angie Johnson est ainsi passée du désert irakien aux plateaux de télé de The Voice, sur NBC. L'histoire débute en août 2011. Postée au Moyen-Orient avec son groupe Sidewinder, la chanteuse reprend "Rolling in the Deep", d'Adele -encore elle !- pour une poignée de soldats, avant de s'envoler pour l'Afghanistan. Un spectateur filme la performance et la poste sur YouTube. Sidewinder n'avait pas encore posé un bout de rangers en terre afghane que la vidéo faisait déjà le buzz sur le Net. "Le présentateur de The Voice, Carson Daly, l'a vue et j'ai obtenu une audition", raconte l'heureuse réserviste. Début mars, Angie Johnson attaquait devant les caméras une reprise endiablée de Heartbreaker, de Pat Benatar. Séduit, le juré Cee-Lo Green l'enrôlait dans son équipe. Mission accomplie.

source l'express

le site d'Angie Johnson